Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/398

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


En écrivant plus tard l’histoire de leur Maison, les Dames de Saint-Louis firent reproche à Mme de la Maisonfort d’avoir contribué plus que toute autre à donner aux demoiselles une éducation trop mondaine, imprégnée de bel esprit, et plus propre à nourrir leur vanité que leur bon sens. « Elle crut faire merveille de leur apprendre quelque chose de l’antiquité, comme les fables des fausses divinités, les histoires profanes, les philosophes et choses semblables. » Ces « choses semblables » aux philosophies et aux fables, voilà qui peut faire frémir… Sans doute les Dames voulaient-elles dire encore les romans ? les poètes ? Examinons de près ces graves accusations.

On sait quel était l’esprit de l’éducation nouvelle qui devait être donnée à Saint-Cyr. Mme de Maintenon, l’archevêque Languet de Gergy, le Roi lui-même, qui ne voulait « ni un couvent, ni rien qui le sentît, » l’ont plusieurs fois défini. « Nous voulions, dit Mme de Maintenon, une piété solide, éloignée de toutes les petitesses de couvent, de l’esprit, de l’élévation, un grand choix dans nos maximes, une grande éloquence dans nos instructions, une liberté entière dans nos conversations, un tour de raillerie agréable dans la société… » Et Languet de Gergy : « C’est dans cette vue qu’elle s’appliquait à former l’esprit des demoiselles par tous les exercices propres à leur inspirer cette politesse que le monde exige, et qui n’est point incompatible avec la piété. Elle prenait soin de leur taille, de leur air, de leur démarche, de leurs ouvrages, de leurs jeux même et de leurs conversations… Conduire nos filles à la vertu par de beaux sentimens, disait-elle, tel doit être l’esprit dominant de l’éducation donnée à Saint-Cyr… »

Mme de Maintenon mit ces idées en pratique, hardiment, complètement. Si, bientôt, elle en vit les dangers, il ne semble pas juste que les torts en retombent sur Mme de la Maisonfort, qui ne fit que la seconder et entrer dans ses vues.

Elle y entra, à vrai dire, si pleinement, avec sa fougue, son goût des choses de l’esprit, sa fantaisie, que je veux bien qu’on lui donne beaucoup de torts aimables. On la chargeait d’instruire des filles pour le monde ; elle-même était faite pour le monde, et, n’y vivant pas, elle le parait peut-être encore de plus brillantes couleurs qu’il ne mérite. Elle dut donner à ses