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UNE DAME DE SAINT-CYR

MADAME DE LA MAISONFORT


I

« Quel véritable présent vous m’avez fait en me donnant la chanoinesse, » écrivait Mme de Maintenon à l’abbé Gobelin en 1684, « et quel dommage qu’elle n’ait pas de vocation ! »

Celle que Mme de Maintenon appelait la chanoinesse, et dont elle remerciait si vivement son directeur, était une jeune femme de vingt-quatre ans, Marie-Françoise-Sylvine Lemattre de la Maisonfort. Elle venait d’arriver à Paris ; elle avait été présentée par l’humble prêtre à qui la nouvelle épouse de Louis XIV avait gardé sa confiance. Elle était pleine de vivacité et d’esprit ; enjouée, aimable, étourdie à ravir ; des manières nobles et affables ; un goût passionné des belles choses, et même des grandes ; avec cela un feu intérieur, je ne sais quelle inquiétude secrète qui la rendait plus attachante encore. Mme de Maintenon s’éprit d’elle sur-le-champ.

Qui était-elle ? Une de ces pauvres filles de noblesse provinciale, auxquelles la vie n’offrait alors que des perspectives étroites et vraiment peu riantes. Empêchées de se marier par leur peu de bien, « dans un temps où l’argent fait tout, » le couvent les attendait, ou quelque établissement rustique, bas et pénible. Orpheline de mère, Mlle de la Maisonfort était un