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tous ceux dont les ressources médiocres sont épuisées rapidement quand les prix s’élèvent. Peu leur importe que les récoltes aient été belles, s’ils ne peuvent pas acheter du pain. Devront-ils mourir de faim sur un tas de blé ? » Ce sont là des exagérations et par conséquent des erreurs. Les cours pratiqués en France pendant les cinq premiers mois de guerre ont été bien inférieurs à ceux que l’on peut relever, il y a une quarantaine d’années, entre 1871 et 1880. Au milieu de janvier 1915, les prix varient entre 28 et 29 francs par quintal sur le marché de Paris, alors qu’ils ont dépassé 30 francs, — en moyenne, — de 1871 à 1880. C’est en février dernier que la cote de la Bourse de commerce à Paris enregistre le cours de 32 francs. Ce prix n’est guère dépassé en mars, et il ne s’élève à 34 ou 35 francs qu’à la fin d’avril, alors que les fromens étrangers valaient, dans nos ports, plus de 38 francs.

Le cours maximum de 36 francs pour les blés français n’a été coté qu’en mai dernier. Or, au même moment, les blés américains valaient 40 francs.

Sans doute, la hausse a été considérable de janvier à mai ; elle atteint 8 francs par quintal et plus de 30 pour 100 ; mais le chiffre absolu de 36 francs, exceptionnellement et momentanément atteint, n’est ni un prix de famine ni un cours de disette. Sous le second Empire, on a payé le blé près de 35 francs par quintal, en 1867 et 1868. Les années 1873 et 1874 ont été marquées par une hausse qui a porté la cote du froment indigène au-dessus de 32 et de 33 francs. Encore faut-il noter que ce sont là des moyennes. Il est certain que le maximum de 36 francs a été atteint et dépassé durant plusieurs semaines à cette époque et en pleine paix.

La brusque montée des cours, il y a un mois ou deux, coïncide d’ailleurs avec la période critique de l’année, celle qui est généralement marquée par un relèvement de la cote sur le marché français ou étranger. Pour prouver qu’il s’agit d’un fait normal et d’une variation habituelle, nous n’aurions qu’à déterminer la moyenne des prix pendant chaque mois de l’année et durant une période de vingt ou vingt-cinq ans. Ce calcul montrerait clairement que les mois d’avril et de mai sont précisément marqués par une hausse en France aussi bien qu’aux Etats-Unis.

Ce mouvement a eu plus d’ampleur en 1915, et il est aisé