Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

couche en joue, je tire sur lui le premier si je peux, et je ne fais en cela que me défendre. »

Et encore : « Tout appartient à la patrie, quand la patrie est en danger. Soyons terribles ; faisons la guerre en lions !… C’est à coups de canon qu’il faut signifier la Constitution à nos ennemis… Emporte-t-on la patrie à la semelle de ses souliers ?… L’énergie fonde les républiques ; la sagesse et la conciliation les rendent immortelles ?… » Sur sa proposition, la Convention déclare la République française une et indivisible : « La France doit être un tout indivisible ; elle doit avoir unité de représentation. Les citoyens de Marseille veulent donner la main aux citoyens de Dunkerque. Je propose de décréter que la Convention nationale pose pour base du gouvernement qu’elle va établir l’unité de représentation et d’exécution. Ce ne sera pas sans frémir que les Autrichiens apprendront cette sainte harmonie ; alors, je vous jure, nos ennemis seront morts. »

Le 21 janvier 1793 : « Faisons la guerre à l’Europe. Il faut, pour épargner les sueurs et le sang de nos concitoyens, développer la prodigalité nationale. Vos armées ont fait des prodiges dans un moment déplorable : que ne feront-elles quand elles seront bien secondées ? Chacun de nos soldats croit qu’il vaut deux cents esclaves. Si on leur disait d’aller à Vienne, ils iraient à Vienne, ou à la mort… »

Le 10 mars 1793 : « Je déclare que, puisque, dans les rues, dans les places publiques, les patriotes sont insultés ; puisque dans les spectacles on applaudit avec fureur aux applications qui se rapportent aux malheurs de la patrie, je déclare que quiconque oserait appeler la destruction de la liberté ne périra que de ma main, dussé-je après porter ma tête sur l’échafaud, heureux d’avoir donné un exemple de vertu à ma patrie… Les nations qui veulent être grandes doivent, comme les héros, être élevées à l’école du malheur… »

Malgré tout, l’unanimité des âmes françaises sur la patrie n’était pas encore obtenue à cette époque, elle ne le fut pas non plus sous l’Empire, ni en 1814, ni en 1815. Ce sentiment toutefois grandit, se fixe au cours du XIXe siècle, en même temps que la démocratie, et cette magnifique efflorescence de l’idée de patrie, le principe des nationalités. Dès 1819, de Serre déclare que la démocratie coule à pleins bords ; quels bonds n’a-t-elle pas faits depuis, au risque d’aller au-delà d’elle-même et