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rayons. Les hommes, comme les peuples, se mesurent à leur idéal ; la conduite de ces fiers soldats était digne d’inspirer cette pensée, à M. Jules Arnoux : « Les devoirs militaires ne sont pas autre chose que la continuation des devoirs civiques ; ce sont les mêmes vertus qui font le soldat et le citoyen. »

Carnot écrit a Jourdan de se diriger sur Maubeuge et de livrer bataille : Jourdan hésite, Carnot accourt, ordonne a Jourdan, au nom de la Convention, de marcher sur Wattignies. Cobourg a dit à son état-major : « Les républicains sont braves ; mais s’ils me délogent d’ici, je consens à me faire républicain. » La journée du 15 octobre 1793 reste indécise, on avance sur la gauche, mais notre aile droite est décimée. « Il faut renforcer l’aile droite, affirment les vieux officiers. — Non, répond Carnot, il faut la dégarnir ; qu’importe par quel côté nous remportons la victoire ? » Le lendemain Carnot laisse éclaircir, réduits à une mince ligne, le centre et la droite, reporte vingt mille hommes à gauche, rallie les soldats, destitue solennellement, en présence de l’armée, un général qui a désobéi, s’empare d’un fusil de grenadier, charge à la tête d’une colonne repoussée, dans son costume de représentant du peuple, emporte Wattignies ; Maubeuge est délivrée, l’envahisseur chassé de France, la guerre reportée au-delà des frontières. Les Thermidoriens voulurent faire inscrire Carnot sur la liste de proscription, en même temps que Robert Lindet et Jean Bon Saint-André, qui firent pour l’intendance et la marine ce que lui, Carnot, avait fait pour l’armée. Une voix indignée protesta devant la Convention : « Oserez-vous porter la main sur celui qui a organisé la victoire ? » Des applaudissemens éclatent, l’Assemblée passe à l’ordre du jour, Carnot est sauvé, et le mot : organisateur de la victoire reste pour toujours attaché à ce glorieux nom.

Dans ses discours patriotiques, Vergniaud s’élève au-dessus de la lutte des partis. Le 2 septembre 1792, il sonne la charge sur les ennemis de la patrie : « Pourquoi les retranchemens du camp qui est sous les remparts de cette cité ne sont-ils pas plus avancés ? Où sont les bêches, les pioches, et tous les instrumens qui ont élevé l’autel de la Fédération et nivelé le Champ-de-Mars ? Vous avez manifesté une grande ardeur pour les fêtes ; sans doute vous n’en aurez pas moins pour les combats ; vous avez chanté, célébré la victoire ; il faut la défendre. Nous n’avons plus à renverser des rois de bronze, mais des rois environnés