Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

humaines, qu’elle semble quasi miraculeuse et divine, qu’elle rayonne sur notre pays, sur l’univers entier, appartient au passé, au présent, à l’avenir, et figure au premier rang parmi les richesses morales de l’humanité. Un poète anglais, John Sterling, a célébré en elle (1848) « le personnage peut-être le plus merveilleux, le plus exquis, le plus complet de toute l’histoire du monde. » Son œuvre est aussi le meilleur témoin en faveur des vérités spiritualistes qui soutiennent les nations ; elle a prêché avec son génie prime-sautier, avec sa piété, avec son sang, l’évangile du patriotisme ; elle est la sainte de la Patrie française, elle mériterait d’être acclamée comme la sainte de toutes les patries. Profondément pieuse, elle place la patrie au-dessus de l’Eglise elle-même, n’admettant point qu’une assemblée, qu’un pape même, s’arroge le droit de décider si Dieu, oui ou non, lui a conféré la mission de sauver la France. Tous ceux qui souffrent, tous ceux qui aiment d’une façon désintéressée, tous ceux qui veulent combattre pour la justice, tous ceux qui ont le sens de l’infini, se reconnurent et continuent de se reconnaître en elle ; car elle souffrit toutes leurs douleurs, elle ressentit toutes les angoisses des fidèles serviteurs de la patrie, elle eut tous les courages, brava toutes les morts, et supporta le supplice du bûcher pour témoigner de son apostolat. Elle a incarné le patriotisme, l’idée d’unité nationale confuse encore et dans beaucoup d’esprits incertaine ; elle les a fait éclater aux yeux et aux cœurs. On sait que les peuples comprennent les idées à travers les êtres qui les défendent ou les combattent, qui jouent le rôle d’initiateurs, de révélateurs, de phares intellectuels. Au rebours des penseurs, les foules vont de l’absolu au relatif, de l’abstrait au concret ; au lieu de généraliser, elles particularisent ; elles ont besoin de symboles et d’emblèmes, de points de repère, de jalons sur les grandes routes de l’histoire, de noms qui représentent les qualités qu’elles admirent, les sentimens dont se compose la trame de la vie, avec lesquels elles se réjouissent, souffrent, meurent. L’histoire de France, en particulier l’histoire de Jeanne d’Arc, doit toujours être l’Evangile laïque de notre nation. Et l’on ne saurait qu’approuver cette réflexion de Siméon Luce : « Il en est des peuples comme des individus, : ce n’est pas seulement le mérite des actes, pris en soi, qui les touche ; ils sont d’autant plus reconnaissais que leur détresse était plus