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dont le texte vous sera envoyé, et quitterez Constantinople avec le personnel de l’ambassade et du consulat. Il est essentiel pour le succès des opérations militaires projetées que le plus grand secret soit gardé, tant sur nos résolutions que surtout sur la date arrêtée pour l’ouverture des opérations militaires. Prenez toutes les dispositions en conséquence et ayez en vue nécessité d’assurer sécurité de nos agens dans les provinces. » Des communications subséquentes me prescrivaient de préparer une note de rupture pour le cas où celle qui allait être rédigée à Pétersbourg n’arriverait pas à temps : notre compagnie de navigation, pressentant la prochaine déclaration de guerre et requise de céder quelques-uns de ses paquebots a l’Administration militaire, avait considérablement réduit son itinéraire et se proposait même de suspendre entièrement ses communications avec les ports ottomans. Un autre télégramme m’enjoignait, au nom de l’Empereur, de m’embarquer à Buyukdéré et de partir la nuit, afin d’éviter les dangers auxquels aurait pu m’exposer la fureur fanatique des Musulmans et l’irritation que causerait naturellement la rupture.

Tout cet ensemble de faits, d’ordres à donner et de dispositions à prendre me créait une position et une besogne fort difficiles. Comment arrêter toutes les mesures de départ sans que, au moins, le personnel directement intéressé ne fût au courant ? D’autre part, comment garantir la sécurité des consuls, empêcher la saisie de nos bâtimens de commerce, de nos paquebots, prévenir la ruine de nos sujets ? Je me mis à l’œuvre de mon mieux, et je dois rendre justice à mes collaborateurs, surtout à M. Goubostofi ; c’est grâce à eux et à leur dévouement amical, que nous avons réussi au mieux du possible. La première mesure que j’avais prise pour garder le secret était de convoquer tout mon personnel et de leur annoncer qu’il y avait un grand mystère à garder que je confiais à leur patriotisme. Je leur fis part des instructions secrètes que je venais de recevoir et leur recommandai, vu l’importance immense du sujet, non seulement de n’en parler à personne, — j’étais sûr qu’ils ne le feraient pas, — mais de ne pas même s’en entretenir entre eux. Etant avertis, ils pouvaient sous mains faire leurs préparatifs, ranger leurs petites affaires, mais rien ni dans leur langage ni dans leur attitude ne devait trahir le secret d’Etat qui leur était confié. Ce mode de