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qu’on vient de quitter par des cheminemens de communication, pour assurer la sécurité des relèves et du ravitaillement.

En d’autres cas, il s’agit de faire sauter des murs ou les maisons qui fournissent un abri à l’ennemi. Mais on ne peut pas toujours procéder par galerie souterraine : il la faudrait trop longue. Alors il faut user d’habileté… et de courage, et opérer à découvert, à la faveur de la nuit. Voici ce qui se passa à Chauvoncourt. L’ennemi s’y est tapi dans les ruines du village. On décide de faire sauter les murs derrière lesquels il s’abrite, en arrière de ses propres tranchées, — qui ne sont pas continues.

« Il est une heure du matin. La nuit est, par bonheur, sans étoiles. Les trois sapeurs, en rampant, franchissent les réseaux de fils de fer ; ils contournent les tranchées ennemies, et les voilà devant les fameux murs à meurtrières.

« C’est long pour en arriver là, mais les Boches ne se sont aperçus de rien. Il est 4 heures maintenant. La pluie s’est mise à tomber. Les sapeurs et les volontaires regagnent nos lignes, après avoir déposé leur mine, déroulant derrière eux le cordeau détonant qui doit être allumé de nos tranchées. Le cordeau est trempé. La mèche ne veut pas prendre. Par trois fois, les sapeurs la changent. Par trois fois, elle s’éteint. Ce sera pour la nuit prochaine.

« Et, à 7 heures, le soir, le même sous-lieutenant et trois sapeurs partent pour une nouvelle expédition. Ils arrivent aux murs des casernes ; les Boches n’ont rien vu. La mélinite posée la veille est toujours là. On change les pétards. Mais, au retour, la petite expédition se heurte aux sentinelles boches. Vont-elles voir nos sapeurs ? Ils sont à quatre mètres de l’ennemi, immobiles, retenant leur souffle. Les Allemands ne voient rien. Nos braves regagnent leurs tranchées.

« Il est 9 heures. Le vent souffle en bourrasque. Le moment est venu de faire sauter les Boches. Une étincelle, suivie d’une explosion formidable. Un nuage de fumée rougeâtre. Les murs des casernes de Chauvoncourt viennent de sauter. On entend des gémissemens, des cris de blessés. Les Allemands ont été touchés, et leur abri n’existe plus : il leur faut reculer. »

En certaines circonstances, on se contente de donner le camouflet. L’ennemi avance en galerie souterraine : on l’entend travailler des postes d’écoute. Pour l’arrêter, on pousse une galerie vers la sienne, et au plus vite on charge, et on bourre. Si