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« Étant mineur de 1re classe, j’ai reçu de mon capitaine la direction de ces travaux si délicats et peu faciles à faire dans un terrain bouleversé par les obus. Deux de mes galeries ont déjà 12 mètres de long, et c’est justement de l’une d’elles que je vous écris ces lignes, à la lumière d’une bougie, assis sur une planche, tout en surveillant le travail des hommes. Ce travail est pénible, je vous assure. Il s’agit de creuser une galerie d’un mètre cinquante de haut, sur 4 mètre de large. Au fur et à mesure que l’on avance, de mètre en mètre, on place des cadres en bois dur, et entre les parois et les cadres, on boise la galerie avec des planches dites de coffrage ; le dessus de la galerie est boisé avec des planches plus fortes appelées planches de ciel, que l’on pousse au fur et à mesure que l’on avance, jusqu’à ce qu’on ait fait un mètre, et que l’on place un nouveau cadre. Il faut travailler penché. Plus l’on s’enfonce, plus il fait chaud ; aussi les sapeurs mettent-ils à bas la capote et la veste. Pour évacuer les terres extraites au dehors, on est obligé de se servir de paniers ; l’entrée de la galerie est en escalier et rend impossible l’emploi d’un chariot de mine ; le travail est donc, comme vous pouvez en juger, extrêmement pénible. Malgré tout, on avance chaque jour de 2 mètres ; de plus, comme il faut nous enfoncer assez profond en terre pour arriver à environ 6 mètres sous la tranchée allemande, on donne une inclinaison de 20 centimètres par mètre à la galerie, c’est-à-dire que chaque cadre se trouve placé 20 centimètres plus bas que le précédent. Voici la vie du mineur, qui travaille six heures, sans autre arrêt que quelques minutes de temps à autre, pour écouter si l’on n’entend pas les Boches travailler. Ces écoutes, on les pratique en fermant hermétiquement l’entrée de la galerie, puis, tout au fond, on se couche sur une planche, l’oreille collée au sol et la tête recouverte d’une toile ; on entend ainsi très bien travailler à dix mètres de soi… »

Voilà les préliminaires. Dès que le travail est achevé et que l’on se sait sous la ligne des tranchées ennemies, à 3 ou 4 mètres de profondeur, on établit les fourneaux. La charge en est calculée selon la hauteur probable du sol, au-dessus d’eux, et on la détermine sans peine, de façon très suffisamment exacte ; on pose le fil ou le cordeau pour la mise à feu, on pratique le bourrage, et on fait sauter la mine. « Tout saute en l’air. » Une masse de terre est projetée vers le ciel, où on