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TRANCHÉES ET MINES

On savait bien que dans le passé, sous Louis XIV, par exemple, les tranchées avaient joué un rôle important dans les campagnes. Surtout dans la guerre de siège, où les mines, elles aussi, étaient et sont encore chose normale. Mais avec les progrès de l’armement, qui devaient changer la face des choses et des procédés de la guerre, il semblait que ces méthodes d’attaque et de défense eussent fait leur temps. Et certains paraissent croire que la guerre, en les continuant, en est revenue à des méthodes presque préhistoriques.

C’est là une erreur : on ne les a jamais abandonnées, et, dans les guerres les plus récentes, il en a été fait grand usage. Autrefois à Sébastopol, plus récemment durant la lutte russo-japonaise, hier encore, dans les Balkans, au siège d’Andrinople, par exemple, où d’après le récit du colonel Piarron de Mondésir, tranchées, fils de fer, grenades à main, boucliers de sapeurs ont été des deux côtés d’emploi constant[1]. Ce qui est nouveau, ce n’est point l’emploi de procédés qui ont toujours existé, mais l’extension qui leur a été donnée. Ce ne sont point les Alliés qui l’ont imposée ; la guerre de tranchées et de mines n’est pas trop dans leur tempérament. « Les Français ne sont pas bons pour les levées de terres, » disait Turenne. Ils sont plus portés au combat au grand jour, aux opérations brillantes, exigeant l’ardeur et la vitesse, qu’à la lutte pied à pied, tenace, entre lignes de réduits souterrains, qui demande de la patience et l’habileté à se défiler. Mais ils ont dû l’accepter, et s’y adapter.

  1. Colonel Piarron de Mondésir, Siège et prise d’Andrinople ; Chapelot, 1914. Pour Sébastopol, voyez Sébastopol, guerre de mines, par le capitaine F. Taillade ; Berger-Levrault, 1906 ; et La Guerre de Tranchées, il y a soixante ans, par Victor Goedorp (Dorbon aîné).