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MINOLAa


blanche vision de l’enfant que l’aimable gentilhomme n’osait même point les lui faire voir.

Et les jours succe’daient aux jours. Minola se penchait de plus en plus anxieuse vers le visage du comte, sans poser une seule question, dans la crainte de devoir renoncer à son rêve. Aussi, malgré l’air pur de la mer, elle pâlissait à vue d’œil ; sa voix sonnait moins gaîment, son sourire était moins radreux. Elle demeurait de longues heures allongée sans même plus tourner les pages de son beau livre, chantonnant à peine quelque air mélancolique ; et les mouettes alanguies sentaient s’évanouir l’ardeur joyeuse de leurs ailes puissantes. Elles volaient toujours plus près de la tête charmante, ornée chaque jour d’une fraîche guirlande tantôt de roses blanches, tantôt de roses rouges dont la couronne barrait son front de cire comme une traînée de sang. Leurs ailes frôlaient presque la triste petite figure, effleurant ses joues de caresses aussi douces que des effluves venus d’un autre monde pour soulager la pesante solitude de la royale enfant. Or, par une claire nuit d’été, la petite Reine aux cheveux d’or errait sur le rivage. Les pâles rayons de la sage vieille lune se jouaient dans ses tresses blondes et cherchaient, on aurait dit, à se cacher dans les boucles soyeuses que la brise légère faisait frissonner..

Comme d’habitude, la petite Reine était seule ; le bord de sa robe blanche effleurait le sable poudreux, entraînant de petits coquillages roses dans ses plis étincelans. Les pieds menus laissaient de légères empreintes sur le chemin éclairé par la lumière blafarde de l’antique planète qui les faisait féeriquement miroiter.

Sa Cour la suivait à distance respectueuse, dispersée en groupes joyeux pleins d’entrain, où passait plus d’une plaisanterie, où se glissait plus d’un tendre secret et où même, il faut bien l’avouer, plus d’un baiser furtif s’échangeait à la faveur des ombres discrètes de la nuit.

Minola marchait les mains jointes, la tête haute, les yeux fixés sur la traînée d’argent laissée par la lune à la surface de l’Océan assoupi, tandis que de téméraires vaguelettes déferlaient en une docile caresse jusque sous ses pieds délicats. Tout à coup, sur cette route blanche baignée de lumière, elle vit s’avancer vers elle, rapide, une forme qui semblait