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refusa de retourner en Allemagne et se résolut à prendre un refuge plus digne de sa naissance et de son repentir.

Parmi les personnes qui lui avaient témoigné de la bienveillance se trouvait l’hôte du palais de la Verbie, le pieux et magnifique Gaspard de Daillon du Lude, évêque d’Albi, qui avait plusieurs fois rendu des services discrets à la belle pécheresse. C’est à ce parfait gentilhomme, fils et frère de ducs et pairs, qu’elle résolut de se confier et de demander une retraite honorable.

Mais la chose n’allait pas sans difficultés.

Massauve, en effet, autant par amour-propre que par habitude, ne voulait pas être abandonné et luttait avec violence contre ces idées de retraite. Des scènes déchirantes avaient lieu entre les deux amans. La comtesse avait le cœur brisé : on ne rompt pas sans douleur une liaison déjà ancienne, resserrée par le souvenir des communs dangers, des communes misères.

Elle eut le courage, cependant, de ne pas céder, mais il fallut que l’évêque profitât d’une des absences de Mespletz, pour procéder à un véritable enlèvement de sa maîtresse, qu’il remit aux Dames nobles de la Visitation Sainte-Marie, de l’Ordre de Saint-François de Sales, établies depuis 1638, à Albi, rue du Puits-de-Grèze.

C’est là qu’elle attendit la mort de son époux arrivée à Bruxelles quelques années plus tard, en 1664. Le comte d’Isembourg était alors octogénaire. Depuis longtemps d’ailleurs, le mari outragé avait pris son parti de sa mésaventure, et avait renoncé à faire poursuivre son infidèle, quand elle eut disparu de la Cour. Il eût été pour cela en assez mauvaise posture, ayant toujours continué à combattre au premier rang des ennemis du Roi. C’est lui qui était gouverneur d’Arras, au moment où les Français s’emparèrent définitivement de cette ville, en 1640, et il y fut blessé.

Pendant de longues années, l’évêque d’Albi continua à affermir sa Madeleine repentante dans ses pieuses résolutions. Il la visitait presque chaque jour et, lorsqu’elle fut devenue veuve, c’est lui qui lui imposa le voile et qui fournit la dot de 4 000 livres exigée par la règle des Visitandines.

Elue abbesse peu de temps après par ses sœurs, la comtesse d’Isembourg mourut saintement dans son monastère vers la fin de l’année 1670.