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Hohenzollern-Hechingen, fille de Jean-Georges, comte de Hohenzollern, puis prince du Saint-Empire en 1623, et de Françoise, fille du rhingrave Frédéric. Le comté d’Isembourg, petit État souverain de la Wétéravie, non loin de Trêves et de Cologne, n’était pas une résidence bien séduisante ; ses châteaux ne présentaient pas, en ces temps de guerre et de troubles, toute la sécurité désirable, et le comte Ernest avait installé ses pénates dans la grande ville de Cologne, où sa famille trouvait, pendant les longues absences que l’obligeaient à faire ses nombreuses charges, un abri sûr et une vie plus facile.

La jeune comtesse Marie-Anne, née en 1614, avait alors vingt-deux ans et était dans tout l’éclat d’une incomparable beauté. Cette beauté et la haute situation de son mari avaient fait immédiatement de l’hôtel d’Isembourg le centre de la plus noble société de Cologne. Massauve, introduit dans ce cercle recherché par le duc de Lorraine, n’avait pas tardé à s’y faire remarquer avec avantage. Il était joli garçon, avait la libéralité facile, ce que lui permettaient ses gros appointemens ; de plus, il dansait agréablement, il aimait la musique, il peignait passablement ; enfin, ajoute avec fatuité Tallemant des Réaux, « il avait l’air français, et n’avait pour rivaux que des Allemands. »

Il devint bientôt la coqueluche et le suivant préféré des galantes damoiselles de la comtesse d’Isembourg.

Celle-ci, entendant dire monts et merveilles du jeune officier français, désira le voir de plus près. Mariée à un soudard plus âgé qu’elle de trente ans, oisive et romanesque, elle ne demandait qu’à se distraire autant que le permettait l’ombrageuse jalousie de son époux. Comme elle était musicienne, et que Massauve jouait du luth avec un véritable talent, ce fut là le premier prétexte de relations plus fréquentes.

On sait que la musique adoucit les mœurs. Elle adoucit tellement celles de Mme d’Isembourg qu’elle partagea bientôt l’amour qu’elle ne manqua pas d’inspirer au galant cavalier. Sa passion pour lui devint même si violente que, renversant les rôles, ce fut elle, dit-on, qui lui demanda de l’enlever. C’était, d’ailleurs, le seul moyen de s’aimer en paix, car le comte d’Isembourg avait quelque peu la réputation d’un Barbe Bleue, et de mauvais bruits avaient couru à l’occasion de la mort de sa première femme, Hélène d’Arenberg, emportée en deux heures par un