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elle se poursuit. Mais, par une singularité que nous ne nous chargeons pas d’expliquer, elle n’a été déclarée par l’Italie qu’à l’Autriche et nullement à l’Allemagne. Et la réciproque n’est pas moins vraie : l’Autriche a déclaré la guerre à l’Italie, l’Allemagne s’est abstenue de le faire. On pourrait même trouver dans son discours que M. Salandra use de ménagemens un peu imprévus à l’égard du prince de Bülow. « Je crois, dit-il, qu’il a eu de la sympathie pour l’Italie et qu’il a fait tout ce qu’il pouvait pour aboutir à une entente ; mais, etc. » Ces atténuations de responsabilité appartiennent à une diplomatie trop raffinée pour nous, bien que nous soyons aussi convaincu que M. Salandra du désir qu’avait M. de Bülow d’aboutir à une entente, que ce fût par « sympathie pour l’Italie » ou pour tout autre motif. Qu’on le veuille d’ailleurs ou non, la guerre existe en fait de la part de l’Italie avec l’Allemagne aussi bien qu’avec l’Autriche, et on le verra bientôt. L’Allemagne, en effet, n’abandonnera pas plus l’Autriche dans l’Istrie que dans les Carpathes et l’Italie aura bientôt affaire aux deux alliés. En attendant, la guerre a commencé pour elle d’une manière rapide et brillante. Elle a envahi le Trentin, occupé des cols à travers les montagnes, pris possession de points stratégiques importans et, quoi qu’il arrive par la suite, on aura de la peine à l’en déloger, ou plutôt on n’en viendra pas à bout, et ces premiers succès de l’Italie seront bientôt suivis d’autres encore plus décisifs. Mais, jusqu’ici, la résistance autrichienne a été faible et cela a donné à croire qu’on ne s’attendait pas à Vienne, non plus d’ailleurs qu’à Berlin, à voir l’Italie intervenir les armes à la main. On n’y était pas préparé. S’il en est ainsi, nous relèverons une fois de plus, à la charge de l’Allemagne et de l’Autriche, ce même défaut de psychologie dont elles ont déjà donné tant de preuves. Elles ne savent jamais ce qui se passe dans l’âme des autres. Malgré l’intérêt évident qu’avait l’Italie à intervenir comme elle l’a fait, on croyait obstinément à Berlin et à Vienne que l’immense prestige de l’Allemagne paralyserait toujours ses velléités et que, finalement, elle ne bougerait pas. Les négociations dans lesquelles elle était entrée n’étaient qu’un marchandage ; elle le pousserait le plus loin possible, mais non pas jusqu’au bout ; elle tendrait la corde presque au point de la rompre, mais elle ne la romprait pas. L’Allemagne et l’Autriche étaient d’ailleurs sûres d’avoir fait des concessions suffisantes pour donner satisfaction à l’Italie, et M. de Bethmann-Hollweg n’est pas encore revenu de sa stupéfaction qu’il en ait été autrement. — Mais, a demandé un jour l’Italie, qui me répond de la bonne foi de l’Autriche ? — Moi, a déclaré fièrement