Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/956

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une suite de manœuvres sur le San. Il n’en est pas moins vrai, comme l’a dit M. Lloyd George, que la Russie qui a une armée nombreuse, des officiers très distingués et des soldats héroïques, a vu un jour ses efforts paralysés par le manque de munitions : grande leçon, non seulement pour elle, mais pour nous tous. Quoi qu’il en soit, la bataille de Galicie se poursuit, et nul ne peut dire encore comment elle finira. Que sur l’immense ligne ait eu lieu un fléchissement local et provisoire, nous le voulons bien : partout ailleurs le front se maintient inébranlable. Il en est ainsi particulièrement chez nous. En dépit des attaques et des contre-attaques de plus en plus furieuses que les Allemands multiplient, nous avançons toujours, et certains symptômes donnent à penser que l’ennemi se fatigue. On a trouvé sur le cadavre d’un officier allemand et les journaux ont publié un carnet qui est un cri de douleur et de désespoir. L’infortuné se plaint matin et soir des ordres inexécutables qu’on lui donne ; il demande du secours, il gémit de ne pas même recevoir de réponse ; il constate presque heure par heure la décroissance d’une résistance qu’il ne peut plus soutenir ; il annonce un dénouement fatal. Et le dénouement s’est produit en effet : c’est la mort qui s’en est chargée.

M. de Bethmann-Hollweg, dans son dernier discours au Reichstag, a parlé, avec une ironie dont tout le monde connaît aujourd’hui le poids, de l’ignorance où nous autres, Français, sommes tenus des opérations militaires. Nous ne publions pas, dit-il, les communiqués allemands, de sorte que l’opinion, mal éclairée, ne sait rien de ce qui se passe sur les champs de bataille. On croirait, d’après M. de Bethmann-Hollweg, que les communiqués allemands sont une source à laquelle on peut puiser en toute confiance, et on croirait aussi, puisqu’il nous reproche de ne pas les publier, que les journaux allemands ne manquent pas de publier les nôtres. En réalité, ils n’en font rien, et s’il faut vraiment entendre les deux cloches pour savoir la vérité, les Allemands ne la savent pas du tout. Ils en sont même infiniment éloignés et c’est une surprise pour nos officiers et nos soldats, lorsqu’ils interrogent leurs prisonniers, de sonder la profondeur des illusions dans lesquelles on les a entretenus. Nous savons bien que la vérité officielle ne peut presque jamais être absolument crue sur parole, mais c’est surtout en Allemagne qu’il faut s’en défier : on nous assure d’ailleurs qu’après tant de déceptions, on commence enfin à le faire.

Il est un fait toutefois qu’il n’a pas été possible de dissimuler, à savoir l’intervention de l’Italie, et c’est précisément à ce sujet que