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propres mers, dans ces mers dont elle aimait orgueilleusement à se dire la maîtresse !


La conclusion du livre de l’explorateur Scandinave mériterait, elle aussi, d’être citée tout entière. M. Hun Svedend y passe rapidement en revue les principales manifestations de la victoire allemande. « Partout, écrit-il, l’Allemagne ou bien a avancé, ou bien a reculé pour des raisons stratégiques, ou bien encore n’a point bougé, mais toujours avec un mélange incomparable de dignité et de courtoisie. Je ne m’étonne pas que le glorieux Empereur ait récemment défendu de chanter, dans ses églises, un hymne où il était paré du titre de triomphateur. Comment ne serait-il point fatigué de s’entendre sans cesse salué de ce titre ? Les victoires mêmes ont fini par devenir monotones pour une âme aussi délicate et, au fond aussi humble ! »

M. Hun Svedend n’ignore pas que certains « diffamateurs » à tout prix de l’Allemagne regardent comme « un échec relatif » l’impossibilité pour elle de s’emparer de Paris. Mais c’est là une erreur, pour ne pas dire une calomnie. « En fait, l’Allemagne ne pouvait tarder à détourner ses yeux de Paris, car Paris n’est pas une ville qui ait de quoi lui plaire. Les Français sont si légers, si futiles et superficiels, qu’il ne saurait y avoir de prospérité pour un peuple à l’âme profonde, orné d’une culture aussi authentique, dans la capitale d’une nation comme celle-là. » Et quant à Calais, n’est-il pas naturel que les Allemands aient pareillement renoncé à la prise de « cet insignifiant port de mer, » beaucoup trop proche de la « perfide Albion » pour qu’un peuple ayant le respect de soi-même s’accommode d’y vivre ? « Aucun lieu d’où l’on peut apercevoir, par un temps clair, les falaises de Douvres ne saurait offrir un séjour convenable aux Allemands, qui méritent toujours de n’avoir devant les yeux que des horizons loyaux et sympathiques. » Ce qui n’empêche pas que notre explorateur ait entendu parler, en confidence, de l’invention d’un nouveau « gaz asphyxiant » qui aura bien des chances de permettre tout de même à l’Allemagne, s’il lui plaît, de prouver au monde sa supériorité en se frayant un chemin jusqu’à « l’insignifiant port de mer. »

Mais la véritable conquête de l’Allemagne, celle que personne ne saurait lui contester et qui suffira toujours amplement à perpétuer sa gloire, c’est ce royaume de Belgique où nous l’avons vue s’installer malgré l’effroyable résistance de l’élément « civil ! » Et, dans un beau mouvement d’éloquence, M. Svedend s’écrie : « Il y avait là une