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dans ces derniers temps, me donnent à croire qu’on se bornera à envoyer aux Dardanelles tout ce qui nous reste de bâtimens de ligne antérieurs à 1900. Nous en avons encore, bien que nous nous soyons maladroitement privés, il y a quelques années, des services d’unités comme le Valmy et le Jemmapes, petits cuirassés de 6 500 tonnes, de tirant d’eau relativement faible et dont les deux canons de 340 millimètres modèle 93, tirant à raison d’un coup par 1 minute 10 secondes, environ, des projectiles de 490 kilogrammes, auraient rendu là-bas les plus grands services, réserve faite de l’infériorité générique des canons à trajectoire tendue sur les bouches à feu donnant des trajectoires courbes dans le cas qui nous occupe. Au reste, la Queen Elizabeth exceptée (on voulait obtenir de ses pièces de 381 millimètres la destruction à distance, ou au moins le bouleversement des ouvrages turcs), il n’y a dans la flotte combinée que dirige le vice-amiral de Robeck que des unités de types anciens. M. Winston Churchill, dans son discours de Dundee, dit que l’Amirauté considère ces bâtimens comme en surplus de ceux qu’elle juge nécessaires à la lutte éventuelle contre la « flotte de haute mer » allemande. Si, — ce qu’à Dieu ne plaise ! — ce corps à corps hypothétique ne se produisait pas, il serait curieux de constater que le cuirassé d’escadre deviendrait, par définition, « l’instrument de combat que l’on n’utilise que lorsqu’il est démodé. »

Malheureurement, démodé ou non, il porte un nombreux équipage et n’échappe pas aux coups des sous-marins. A vingt-quatre heures de distance, le Triumph et le Majestic ont succombé à l’attaque d’unités allemandes de cette catégorie dont on avait signalé le passage successivement au large de l’Iroise, — car ces submersibles ne se cachaient guère et d’ailleurs étaient obligés de naviguer en surface, le plus souvent, — au détroit de Gibraltar, sur la côte d’Algérie et dans le canal d’Oro, porte de la mer Egée qui s’ouvre au Sud de l’Attique, sous les belles colonnes antiques du cap Sounion. Je ne m’étends pas aujourd’hui sur une randonnée du plus haut intérêt et qui mérite une étude particulière. Toujours est-il que l’apparition de ces sous-marins sur le théâtre où se joue en ce moment une partie serrée, — si tard engagée par les Alliés et si fâcheusement conduite au début ! — a causé des inquiétudes aux assaillans et singulièrement exalté les courages, un peu défaillans