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Alliés à se ménager les bonnes grâces effectives des Puissances Scandinaves.

Il y a peu d’illusions à se faire sur le succès de la méthode de guerre désignée sous le nom d’étouffement progressif. Il a suffi, pour que les progrès de la vis de pression économique dont parlait, il y a six mois, l’ancien premier lord de l’Amirauté, fussent pratiquement arrêtés, que tout ce qui était absolument indispensable à l’Allemagne pour soutenir la lutte, — non sans gêne, ni souffrances, certes ! — lui parvint par les ports norvégiens placés au Nord du parallèle de Lerwick des Shetland, par les chemins de fer de la péninsule Scandinave, par les ports suédois ou danois, enfin par la Baltique qui, je le répète, lui appartient sans contestation sérieuse.

Bergen, Trondhjem, Narwick, d’une part, Göteborg, Malmoë, Gjedser, Karlshamm, de l’autre, ne sont guère que des escales allemandes de transit, et il n’en coûte que quelques transbordemens, onéreux sans doute, pour que débarquent à Lübeck, à Warnemünde, à Stettin et à Danzig, denrées alimentaires de toute sorte, matières premières et matières ouvrées, objets fabriqués, équipemens, armes, munitions même, dont nos rusés ennemis reprochent aux Américains l’exclusif envoi en Angleterre.

Dans de telles conditions, il est vain d’espérer que l’on puisse réduire l’Allemagne à merci par la seule vertu d’un blocus aussi incomplet, car si l’on m’objecte que les navires neutres se dirigeant vers les ports de Norvège peuvent toujours être visités par les croiseurs anglais, qui les retiendront s’ils portent de la contrebande de guerre destinée à l’ennemi, je répondrai que la difficulté a été bientôt vaincue par l’Allemagne, grâce à la complicité de grandes maisons de commerce Scandinaves. Quelques-unes de celles-ci n’ont-elles pas poussé l’audace jusqu’à s’entendre avec les croiseurs allemands de la Baltique pour faire capturer et envoyer a Stettin des cargaisons d’armes fabriquées en Suède ou en Danemark et fictivement destinées à un pays neutre ?

De tels abus, contre lesquels les enquêtes des autorités compétentes resteront impuissantes, ne peuvent cesser que lorsque les gouvernemens intéressés auront nettement pris parti dans le conflit gigantesque soulevé par l’insatiable ambition des deux empires germaniques. Il faut bien se persuader que, dans