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et ses vivres et ses matières premières, en même temps qu’à ouvrir aux armées des alliés de nouvelles voies, les seules peut-être qui puissent nous conduire jusqu’au cœur du puissant empire germanique.

Ce qui frappait le plus l’opinion publique, il y a quelques jours, c’était une sorte d’atonie générale dans les opérations militaires conduites, aussi bien sur terre que sur mer, par les alliés Anglais et Français. C’était ensuite comme un défaut de concordance, d’entente, avec les opérations du troisième allié, le Russe, dont l’activité stratégique et tactique se dément d’autant moins qu’il est vivement pressé par l’adversaire commun. C’était enfin, en ce qui touche plus particulièrement les opérations maritimes, la fâcheuse constatation que les Austro-Allemands, les Allemands surtout, conservent l’initiative qu’ils se sont acquise dès le mois d’octobre et qu’en fin de compte, étant les plus faibles, ils nous imposent leur méthode de guerre, à nous les plus forts.

Il s’en faut que tout soit justifié dans les réflexions que l’on entend faire, dans les cercles les mieux informés, sur ces sujets délicats. Au reste les esprits les plus enclins à la critique reconnaissent que si le tableau a des ombres, il a aussi d’éclatantes couleurs ; qu’en définitive nos affaires ne sont aucunement compromises, que notre offensive s’accentue et que, si l’époque de la victoire définitive ne semble pas s’être rapprochée, la certitude du succès final, et d’un succès absolument décisif pour les destinées de l’Europe civilisée, reste entière, hors de conteste, absolue.

Mais le succès, il ne suffit pas d’y croire avec la foi du charbonnier, ni même de le vouloir, comme on le dit souvent et un peu puérilement, car qui donc pourrait ne pas le vouloir ?… Il faut aussi le mériter, il faut le forcer, pour parler net. Et ce n’est pas, certes, en nous battant mieux sur les fronts de l’Artois, de l’Argonne, de l’Alsace, sur les rudes collines jaunes de Gallipoli et sur les flots bleus des Dardanelles, — que pourrait-on faire de plus que ce que font ces hommes admirables à qui le haineux et méprisant adversaire ne sait plus ménager ses éloges ? — Non, il faut le forcer en tendant sans relâche toutes nos facultés d’invention et d’imagination comme il apparaît bien que les tendent nos ennemis ; en mettant en jeu toutes nos ressources d’esprit et toutes nos ressources