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Basile II bataille presque continuellement, contre les Bulgares, contre les Egyptiens, les Russes, les Longobards, les Arméniens, les Arabes, parfois aussi contre ses propres généraux révoltés et désireux de le remplacer. Pour parler comme son historiographe Psellus, il dirigea le navire de l’Etat, non d’après des lois écrites, mais d’après les lois instinctives de sa propre nature, si forte et si bien constituée, gouvernant et administrant entièrement par lui-même, ne tenant nul compte des intelligences cultivées qui pouvaient l’entourer, impérieux, obstiné, prompt à la colère : après avoir été un viveur dans sa prime jeunesse, il devient soudain une sorte d’ascète couronné, s’abstient de tout confort, mène la vie la plus frugale, ne porte sur lui aucun ornement, rien que des vêtemens de couleur sombre, n’est plus absorbé que par la seule pensée de son autorité et du bien de l’Empire : on dirait d’un Louis XI avant la lettre. Et il régna cinquante ans, phénomène assez rare chez un peuple qui, de 395 à 1453, n’eut pas moins de cent sept souverains : trente-quatre meurent dans leur lit, huit à la guerre, et pour le reste on compte soixante-cinq révolutions de caserne ou de palais, soixante-cinq abdications ou morts violentes. Constantin XIII, vaincu enfin après avoir quatre fois repoussé l’assaut des Turcs, s’écrie quelques instans avant d’être frappé d’un coup de cimeterre : « La ville est prise, et je vis encore ! »

L’espace me manque pour analyser les diverses incarnations du patriotisme dans les civilisations antérieures à la Grèce et à Rome, Mèdes, Assyriens, Perses, Egyptiens, Chinois, Hindous ; en étudiant de près leur histoire, on constate, là aussi, que la puissance de ces peuples suivit l’évolution de leurs sentimens envers l’Etat et le Monarque, représentans de l’idée de patrie chez eux.

Rappelons la remarque de Bossuet : « Une des choses qu’on imprimait le plus dans l’esprit des Egyptiens était l’estime et l’amour de leur patrie. » Race bien cimentée, territoire compact, assez étendu, fertile et défendable, gouvernemens établis sur des bases solides, religion et droit, civilisation, langue, art, originaux, ces conditions d’une patrie se trouvaient réunies en ce pays. Le patriotisme égyptien valut à ce peuple de longs siècles de prospérité et de puissance.

Les Hébreux se présentent comme les représentans d’un