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protestant ainsi qu’elles n’entendaient point être confondues avec les pays barbares.

De cette habile politique des Césars, je retiendrai un témoignage entre mille. Constantin composa une prière que les soldats de tous les cultes pouvaient répéter, et qu’ils redisaient en chœur, les mains levées au ciel, le dimanche : « Nous te reconnaissons seul comme notre Dieu, nous t’honorons comme notre roi, nous t’invoquons comme notre appui. C’est à toi que nous devons d’avoir remporté des victoires et vaincu nos ennemis. Nous te remercions des succès que tu nous as donnés, et nous espérons que tu nous en accorderas d’autres. Nous te supplions pour notre empereur Constantin et ses très pieux enfans, et nous te demandons de nous le conserver sain et victorieux le plus longtemps possible. »

Païens et chrétiens rivalisent dans l’apologie et l’admiration sincère de la patrie romaine.

Ovide, dans les Pontiques, dira :

Nescio qua natale solum dulcedine captos
Ducit, et immemores non sinit esse sui

« Je ne sais quel charme possède le sol natal pour nous captiver, et nous empêcher de l’oublier jamais. » Virgile soupire les tristes adieux des exilés :

Nos patriam fugimus, nos dulcia linquimus arva.

« Nous fuyons loin de notre patrie, nous quittons nos champs bien-aimés. »

Cicéron affirme noblement : « Il faut être économe pour soi et généreux pour l’Etat. »

Paul Orose célèbre l’union que Rome a formée entre les nations, union qu’il décore du nom nouveau de Romania : « En quelque lieu que j’aborde, quoique je n’y connaisse personne, je suis tranquille, je n’ai pas de violence à redouter ; je suis un Romain parmi des Romains, un chrétien parmi des chrétiens, un homme parmi les hommes. La communauté de lois, de croyances, de nature, me protège ; je retrouve partout une patrie. »

Un autre chrétien, le poète Prudence, rend hommage à ces bienfaits de l’unité romaine dont on sentit davantage le prix à mesure qu’on était menacé de la perdre : « Maintenant, on vit