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L’IDÉE DE PATRIE
Á TRAVERS LES SIÈCLES

I
LE MONDE ANTIQUE


I

En même temps qu’il poursuit un but unique, le sentiment de la patrie, selon les époques, les peuples, les individus, procède de mobiles, revêt des aspects, en quelque sorte des costumes très divers : à l’instar de l’animal fabuleux, il prend la couleur des siècles qu’il traverse, des hommes qu’il hante et embrase ; comme le cerveau, il s’emplit tour à tour de divin et d’humain, de vérités et de chimères ; comme l’abeille, il fait son miel de maintes fleurs. Simple avec les simples à qui il inspire souvent les élans les plus magnifiques, complexe avec les esprits subtils, passionné, frémissant chez les dominateurs, tempéré, parfois même engourdi chez ceux qui voient l’Etat à travers les affaires et les œuvres de la paix, il demeure le ciment dont les nations ont besoin pour ne pas devenir des poussières, pour croire à leur éternité. Et il faut aussi admirer en lui un des plus riches rameaux du grand arbre mystique et spiritualiste : mais n’est-il pas lui-même un arbre qui pousse jusqu’aux cieux ses fortes branches, et celles-ci s’appellent : courage militaire et civil, prévoyance, diplomatie, honneur, dévouement, sacrifice de la vie individuelle à la vie collective ?

Qu’est-ce alors qu’une patrie ?

Tout d’abord elle est une religion, une foi. Et chez les Hébreux, dans l’antiquité égyptienne, grecque et romaine,