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COMMENT L’ALSACE EST DEVENUE FRANÇAISE

L’Alsace était-elle française, — française de cœur et d’esprit, — au moment de son annexion sous Louis xiv ? Elle ne l’était pas plus, en dépit de la primitive communauté de race et d’histoire, que le Roussillon, la Franche-Comté ou la Flandre, réunis à la France à la même époque, et devenus aussi, en peu de temps, français pour toujours. L’Alsace paraissait même moins facile à assimiler que les autres conquêtes de Louis xiv, et elle a en effet réalisé le miracle de se franciser sans s’assimiler, ce qui constitue son caractère propre, et ce qui explique toutes les confusions commises à son sujet [1]. Comment ce miracle s’est-il accompli, c’est ce que nous voudrions exposer, dans la pensée que la leçon du passé peut être utile au présent, ou du moins à un avenir très proche. Nous laisserons d’ailleurs les faits parler d’eux-mêmes.


I

L’Alsace n’est pas devenue française aussi vite qu’on le répète communément. Il y a entre autres un document dont

  1. Une bibliographie du sujet serait inutile ici, et d’ailleurs impossible à établir. Il nous suffira de renvoyer en principe aux ouvrages généraux qui renvoient eux-mêmes aux autres et aux sources. Tels sont : l’Alsace au xviie siècle, de M. Rodolphe Reuss, forte et substantielle étude, puisée aux sources, qui est classique pour longtemps (2 vol. Paris, 1897-1898) ; — l’Alsace sous la domination française, de M. Ch. Plister, brillante leçon d’ouverture du « Cours de l’Histoire de l’Est » à l’Université de Nancy (brochure, Nancy, 1893) ; — l’Alsace au xviiie siècle, de l’abbé Hoffmann, œuvre imposante et richement documentée, à laquelle un certain parti pris en faveur de l’Ancien Régime n’enlève rien de sa valeur historique, surtout au point de vue des institutions (4 vol. Colmar, 1906-1907) ; — Histoire d’Alsace de M. Rodolphe Reuss, mise au point probe et sûre des résultats acquis (Paris, 1912).