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Nous raisonnions à l’envi sans les connaître sur les projets de Foyatier, de Dumont et Duret, de Rude, de Jouffroy, de Duseigneur. Enfin, comme j’avais emporté dans mon sac une lettre de M. Salvage reçue juste au moment de partir, les nouvelles de Rome qu’elle apportait nous ont aidés à faire le reste du chemin.

Quel admirable pays que cette Angleterre ! Quel luxe de soins et de propreté ! Quelle résidence royale que ce château de Wooburn ! L’étendue, le confort, le luxe et l’élégance de maisons pareilles laissent loin derrière elles tout ce qu’on peut voir en France ; nous n’y avons pas, il est vrai, de propriétaires qui disposent, comme le duc de Belford, de deux millions de revenus, et qui cependant habitent leurs terres une grande partie de l’année. Ce simple gentilhomme est un beaucoup plus grand seigneur que le prince régnant de Hohenzollern-Sigmaringen ; il est juste de dire qu’il est aussi beaucoup plus simple et plus facilement accessible au commun des mortels. La duchesse excelle comme lui à remplir les devoirs de l’hospitalité et je doute qu’on trouve ailleurs beaucoup de maîtresses de maison qui fassent ce qu’elle vient de faire en quittant un bal, voyageant la nuit, et s’imposant une course de quarante milles, rien que pour recevoir aux champs des invités.

La grille du château une fois franchie, on parcourt encore un assez long trajet avant d’arriver à l’habitation. La façade, ni très moderne, ni très élégante, n’est qu’un des côtés d’une construction massive où s’enchaînent et se superposent des dédales de pièces et d’appartemens. De nombreux domestiques nous attendent au perron pour nous conduire à nos chambres ; elles sont voisines les unes des autres et donnent toutes sur un corridor qui enveloppe une cour intérieure assez triste. Deux fois le tour de ce corridor font un quart de mille, et comme une centaine de poêles font régner dans tout cela une température égale pendant tout l’hiver, le chauffage seul de Wooburn est un objet de 50 000 francs par an.

Les jardins et les parterres sont tenus à la manière anglaise, c’est-à-dire dans la perfection. Dans l’instant où nous l’avons rejointe, la duchesse les parcourait avec MM. Fox et Hamilton, les seules personnes qu’elle ait invitées avec nous. Sa vivacité, sa gaîté et son esprit sont charmans. A quarante-neuf ans et après avoir mis dix enfans au monde, elle garde toute la