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Prince, en pouffant de rire, l’a serrée comiquement sur son cœur.

M. de Malherbe est descendant du poète ; planteur en Amérique, conspirateur à Paris, il s’est donné, à Londres, l’agréable rôle de montrer le français à la jeune princesse Murat. Leur connaissance a commencé en Floride, où le bel émigré, travaillant avec le seul secours de la hache, s’est lui-même construit une maison.

Le soir, ce disciple de Rousseau faisait une toilette de dandy ; il venait chercher chez le prince Achille l’usage de la langue et les manières de son pays. Envoyé dans ces derniers temps à Paris pour des négociations, il s’y est beaucoup répandu dans le monde et s’est surtout fait voir chez Mme Merlin, cette belle élégante dont on dit qu’elle a renouvelé la musique de salon au point d’en faire un art social. Quant aux affaires dont il était chargé, elles n’ont pas réussi. Le prince Achille suppose que son trop galant émissaire donnait de la jalousie aux maris.

Le prince Achille une fois parti avec son Italien et le prince Louis pour le Vauxhall, avec M. de Malherbe, on a introduit alors un mystérieux personnage, qui venait à dessein fort tard, et nous apportait, entre chien et loup, des nouvelles fort importantes.

C’est un agent juif, factotum au service de divers partis. Il a vu la Duchesse de Berry, lors de ce récent voyage de Bath à Londres, fait exprès par elle pour se renseigner sur les intentions de la reine Hortense ; il connaît ainsi les projets carlistes, qu’il se hâte de livrer aux Bonaparte, en attendant qu’il raconte ailleurs ce qu’il aura pu apprendre chez nous.

La Duchesse de Berry est impatiente d’agir. M. de Blacas a eu beau lui dire « que la poire n’est pas mûre, » elle se préoccupe des projets de la reine Hortense. Elle s’inquiète des menées des républicains, qui préparent, dit-on, quelque chose de formidable pour l’anniversaire des journées de Juillet, et, pour ne pas être en reste avec les uns et avec les autres, elle s’apprête à s’embarquer pour le continent. Elle a dit : « pour l’Italie. » MM. de Bourmont et de Blacas, ses deux gardes-du-corps, la suivent à regret et pensent qu’elle court à une échauffourée.

L’insuccès de cette aventure peut servir les intérêts de Napoléon II. La Reine gardant le silence, il ajoute qu’un ordre négatif sur le sujet du passeport avait été apporté par le