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magnifique vase ciselé de notre artiste italien Kirstein, des diamans incomparables et tels que le Régent seul peut leur être préféré, de curieux bijoux indiens ont satisfait sa curiosité ; mais comme elle n’avait d’autre prétexte que d’aider aux achats problématiques de la duchesse, nous avons bientôt interrompu ces visites pour aller chez lady Grey.

Nous espérions y trouver des nouvelles sûres de l’impératrice du Brésil, qu’un billet de M. de Montrond disait arrivée à Falsmouth avec dom Pedro. La Reine aime beaucoup sa nièce Amélie et s’inquiète à bon droit pour elle, dom Pedro étant un de ces souverains errans que les idées nouvelles ont fortement secoué sur le trône et qu’elles n’ont pas fini de ballotter dans leurs remous.

Lady Grey n’étant pas chez elle, nous sommes revenues au logis au moment où le Prince y rentrait. Il avait acheté pour moi à la vente et, j’en ai peur, payé très cher une jolie bourse amarante et or, brodée de la main de la reine d’Angleterre. Il a dit gentiment que, puisque j’administrais très bien ses finances, c’était bien le moins qu’il me donnât une escarcelle, pour y serrer mon propre argent. Pour la Reine, il rapportait une pelote à épingles et, pour lui-même, une simple plume d’oie, payée un louis à la belle lady Northon.

L’heure des adieux à la duchesse de Frioul est ainsi venue. La Reine voudrait l’attirer auprès d’elle en Suisse et la persuader d’arranger Salenstein en gothique, afin d’y passer les étés, Mais la prudence politique parait s’opposer en ce point aux désirs de l’amitié : la baronne Fabvier ne s’exposera pas à faire ce que la duchesse de Frioul se serait permis. Son absence va faire dans le cœur de la Reine un vide immense. Le général était aussi bien nécessaire au Prince ; j’applaudissais des deux mains aux conseils de sagesse qu’il lui donnait, comme « de laisser agir les causes » et « de faire deux pas en arrière, chaque fois qu’un tentateur politique ferait un pas en avant vers lui. »


Mercredi 15 juin.

Une chose qui me déconcerte, c’est que M. de Flahaut, écrivant à la Reine au sujet des banquiers Devaux et craignant qu’elle ne fût dans la gêne, vient de lui envoyer une lettre de crédit. J’ai tout de suite été chercher cet argent à la Cité et