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triomphe l’union efficace des trois Puissances associées et la reconnaissance implicite par les Etats-Unis qu’ils ne sont pas les seuls qui comptent sur le nouveau continent ; tel fut, au lendemain de l’acte du 25 juin, le thème commun du vornal de Commercio de Rio, de la Nación, de Buenos Aires, du Mercúrio de Santiago. Ces articles ont fait réfléchir les dirigeans de Washington et dégagé l’idée que la doctrine de Monroe, telle que l’exprimait l’intervention au Mexique, conduisait à des aventures ; des indications, récentes et concordantes, furent dès lors mieux comprises : dans un recueil de lettres dernièrement publiées, le président argentin Saenz Peña, qui vient de mourir, dénonçait les interprétations par trop élastiques de la « doctrine caoutchouc ; » le professeur brésilien Sá Vianna, donnant des conférences à Buenos Aires au début de 1914, estimait ces prétentions autoritaires attentatoires à la dignité de l’Europe et de l’Amérique latine ; à Santiago du Chili, des étu-dians grommelaient sur le passage du président Roosevelt, tandis que le Mercúrio discutait sans bienveillance les conceptions économiques de M. Farquhar ; à Montevideo, une foule hostile manifesta, lors de l’occupation de Vera Cruz par l’amiral Fletchcr. En 1913, Argentine, Brésil et Chili, l’A. B. C., dit-on là-bas, du nouvel alphabet diplomatique sud-américain, avaient refusé de se joindre aux Etats-Unis pour exercer une pression diplomatique sur le Mexique.

Les Etats-Unis ne s’obstinent pas ; pendant que l’Europe est paralysée, il leur est plus expédient de resserrer leur amitié avec les grandes républiques latines que d’exaspérer les anciens malentendus : la Nouvelle-Orléans devient, pour le Brésil, l’entrepôt fournisseur des huiles, charbons, denrées alimentaires qui, naguère, venaient d’Europe ; la République Argentine élève au rang d’ambassade sa légation de Washington (août 1914). M. Bryan, ministre des Affaires étrangères, signe avec chacune des trois Puissances médiatrices de Niagara des conventions qui soumettent à l’arbitrage les différends qui pourraient désormais surgir entre elles et les Etats-Unis (fin juillet) ; le président Wilson n’en a que plus d’autorité, lorsqu’il propose aux belligérans d’Europe, dès le 5 août, ses bons offices pour le moment où ils jugeront convenable d’y recourir. Cependant, l’Union panaméricaine multiplie ses enquêtes et ses appels en vue de l’association économique de toutes les nations