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européenne et l’espoir des avantages qu’ils en retireront, achèvent de les éclairer. Les affaires engagées au Mexique par les États-Unis représentent trois cinquièmes des importations mexicaines, et quatre cinquièmes des exportations ; on évalue à cinq milliards de francs le montant des capitaux nord-américains qui ont été placés dans la république voisine ; assurément, une telle somme d’intérêts invite les États-Unis à ne pas tolérer qu’un régime anarchique compromette leurs entreprises, mais la question reste ouverte de savoir s’ils avaient pris au début le meilleur moyen de réformer cette anarchie. Porfirio Diaz, naguère, encourut l’hostilité de Washington parce qu’il ne voulait pas, non plus que son ministre des Finances Limantour, asservir toute l’activité économique de son pays à des directions exclusivement yankees. Par sa propre valeur, il avait fait régner la tranquillité dans tout le Mexique ; les hommes d’affaires, quelle que fût leur nationalité, s’en félicitaient tous ; mais dans la république même, son autorité absolue suscita des mécontentemens. Fut-il très habile, de la part de quelques trusters yankees, d’aviver ces mésintelligences et, pratiquement, de pousser à la révolution ? Sans doute n’avaient-ils pas mesuré jusqu’où irait le mouvement imprudemment déclenché.

Où en est, en effet, la situation au milieu de 1915 ? Après les quelques mois agités de la présidence Madero, le général Huerta s’était emparé du pouvoir, soldat de carrière, issu d’une modeste famille indienne, à qui ses adversaires eux-mêmes ne contestaient ni l’intelligence ni la bravoure. Un parti, puissant surtout dans les provinces du Nord, le combattit ; ces constitutionnalistes se réclamaient des principes parlementaires, contre un président qui s’était élevé par la force et ne se piqua jamais de gouverner suivant les formules parlementaires. Malgré les origines de son gouvernement, Huerta escomptait, lors de l’élection du président Wilson, qu’il serait reconnu par les États-Unis ; l’ambassadeur de Washington à Mexico, M. Henry Lane Wilson, en donnait ouvertement le conseil, en dépit des meneurs de la campagne favorable aux constitutionnalistes ; le président des États-Unis récompensa par un rappel cette indépendance de caractère ; mais l’« agent confidentiel » qu’il envoya pour remplacer Henry L. Wilson ne sut rien obtenir de Huerta. De démarche en démarche, les États-Unis glissèrent sur le sentier de la guerre ; leur altitude encouragea les ennemis de Huerta,