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américaine, par exemple, ne paraissent guère se soucier ; sûr des questions de ce genre, la procédure arbitrale n’est-elle pas vraiment trop solennelle et disproportionnée ? Convient-il de dessaisir nos agens diplomatiques du soin de nous représenter avec vigilance et le moment est-il bien choisi, aujourd’hui que notre ministre aux États-Unis a rang d’ambassadeur, pour interposer, entre les autorités américaines et lui, un tribunal au travers duquel seront perdus beaucoup de temps et de forces vives ? Puis il faut relever que le texte des traités d’arbitrage exclut explicitement tout cas lié à une application de la doctrine de Monroe. En rendant hommage aux sentimens des chevaliers de l’arbitrage, on peut donc avancer que, pour les Etats-Unis, ces Conventions sont surtout des instrumens politiques de précaution et de détente, des amortisseurs.

La diplomatie du dollar n’a jamais déployé autant d’adresse que pendant ces pourparlers apaisans avec l’Europe, pendant les voyages et les conférences académiques du président Roosevelt sur le vieux continent, pendant les travaux terminaux du canal de Panama. Petit à petit, toutes les républiques centre-américaines tombent sous la dépendance de leur grande voisine du Nord ; l’histoire récente de Saint-Domingue se répète en Honduras, en Nicaragua, en Costa-Rica ; à la fin de l’année 1913, c’était le tour du Guatemala et du Salvador. La formule est maintenant, de plus en plus précise ; le traitement financier est confié à un groupe de banquiers yankees ; les créanciers étrangers s’en félicitent, acceptent volontiers une tutelle qui rend valeur à leurs titres. Mais l’administration des gages est laborieuse ; elle est l’occasion de perpétuels incidens, donc prête sans cesse à des interventions qui ne sont plus exclusivement financières ; le gouvernement de Washington brandit alors son gros bâton (big stick) au-dessus de la tête des frondeurs ; des marins débarquent pour protéger les bureaux des employés de banque ; le contrôle financier se mue insensiblement en protectorat.

Un spécialiste du droit international, le professeur G. Scelle, de Dijon, a particulièrement étudié cet avatar contemporain de la doctrine de Monroe ; ses observations, impartiales et précisés, méritent de faire autorité. En Honduras, vingt années de troubles civils avaient ruiné les habitans et découragé les étrangers, lorsque le président Davila résolut de recourir aux