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courtoisie des rites officiels ; des visites telles que celles du ministre Elihu Root, en 1906, du président Roosevelt en 1914, ne laissent pas que des souvenirs admiratifs ou reconnaissans, nous-même en avons recueilli de significatifs témoignages.

Pour réagir contre ces mécontentemens, les discours bénisseurs des Congrès panaméricains ne suffiront bientôt plus. Sans aucun doute, le Brésil est sensible aux attentions dont les autorités nord-américaines entourèrent son ministre des Affaires étrangères, M. Lauro Muller ; sans doute l’Argentine est justement fière des termes dans lesquels M. John Barrett invitait le Dr Luis Drago à donner aux États-Unis une série de conférences. Mais des journaux indépendans commencent à élever la voix. La Nación, de Buenos Aires, insiste souvent sur l’égale dignité de toutes les républiques du continent américain ; le Mercúrio, de Santiago, déclarait en décembre dernier que, sur la médaille de la doctrine de Monroe, l’avers porte une devise tutélaire pour l’Amérique, et le revers des insignes impérialistes moins rassurans ; au Brésil, le trust Farquhar n’a plus, tant s’en faut, que des courtisans. Nul ne dispute aux États-Unis le droit de grandir au soleil, mais tous proclament que la doctrine de Monroe cesse d’être applicable à mesure que les peuples latins d’Amérique consolident plus énergiquement leurs nationalités ; souvent sont commentées les opinions de notables professeurs yankees que l’abus de cette doctrine, provoquant à des interventions sur des États débiles, retarde l’avènement de la désirable concorde panaméricaine.


Ces boutades isolées n’arrêtent pas le monroïsme intransigeant ; il ne trouverait d’obstacle que s’il s’en dressait contre lui ! sors d’Amérique ; mais c’est un danger que la guerre actuelle a pour longtemps écarté des États-Unis. Aussi bien, dès le début de 1914, Washington avait préparé ou déjà signé des conventions où l’arbitrage est imposé pour la solution des litiges à venir avec des Puissances d’Europe, l’Angleterre et la France. Nous verrions volontiers, quant à nous, qu’il y eut là le principe d’un rapprochement plus intime entre notre pays et la grande république américaine, où peut-être la majorité des citoyens ne se fait pas de la France une idée suffisamment critique. Mais, pareils à tous les autres peuples, nous avons des intérêts économiques à défendre, dont les fantaisies de la douane