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la démonstration armée que nous venons de dire, contre cette province trop lointaine pour subir l’action des autorités de Mexico. Ils ne s’en tinrent pas là : l’escadre de l’amiral Scott vint bloquer Vera Cruz, quelques soldats y débarquèrent, puis toute une armée ; une marche sur Mexico fut ensuite ordonnée ; elle fut extrêmement dure aux envahisseurs, en raison du climat et de la difficulté des ravitaillemens ; mais les Mexicains ne surent pas faire l’union pour arrêter les troupes de Scott ; le traité signé en mai 1848 laissa aux États-Unis tout le Mexique septentrional, Nouveau-Mexique, Nevada, Arizona, Californie ; une compensation en argent de 75 millions de francs donna l’excuse d’un marché libre à cette cession obtenue par la force.

Réclamée surtout par les sudistes, qui espéraient ainsi raffermir leur politique esclavagiste, cette annexion de pays chauds (nous ne parlons pas ici de la Californie) n’a pas apporté immédiatement aux États-Unis un supplément de puissance. Mais elle a déchaîné sur le Mexique une nouvelle période de troubles : l’opinion chargea les fédéralistes de la responsabilité des mutilations nationales, la capitale tomba aux mains du dictateur Santa-Ana, tandis que les opposans, aidés d’aventuriers français et yankees, fondaient une sorte de république libre dans la province nord-occidentale de Sonora ; paralysé par les factions hostiles, suspect aux États-Unis parce qu’il voulait encourager une immigration européenne d’hommes, et de capitaux, Santa Ana finit par abdiquer (1855) et les fédéralistes, vainqueurs avec Juarez, se donnèrent une constitution copiée sur celle de l’Union du Nord (1857). Patriote, réformateur, mais anti-européen, Juarez attira l’intervention concentrée de l’Espagne, de l’Angleterre et de la France. Celle-ci seule s’entêta, tandis que les deux premières se retiraient, après avoir obtenu pour leurs nationaux lésés quelques satisfactions, Pendant ce délai, les États-Unis achèvent leur guerre de Sécession, et n’hésitent pas, dès lors, à presser la retraite des Français ; la guérilla des « libéraux, » à partir des frontières du Nord, était ravitaillée par eux en munitions et en argent ; la victoire de Juarez et son élévation à la présidence (déc. 1867) apparaissent ainsi comme un succès américain de la doctrine de Monroe.

Peu d’années auparavant, des flibustiers yankees commandés par Walker avaient envahi le Nicaragua et proclamé, malgré les habitans, un gouvernement à eux ; leur objet était de