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diplomatique en Espagne, en 1805 : c’est lui qui, en 1824, au terme de sa deuxième présidence, reçut La Fayelte, celui de tous les Français dont le nom est resté le plus populaire aux Etats-Unis ; le compagnon d’armes de Washington, parcourant le pays aux côtés du Président, fut accueilli partout par des ovations enthousiastes ; Monroe tenait beaucoup à ces manifestations, car il ne perdit jamais une occasion d’exalter l’orgueil national de ses compatriotes.

Lui-même, on ne le dit pas assez, fut un « impérialiste » pratiquant. Il avait proposé au roi d’Espagne Charles IV, en 1805, de lui acheter la Floride, afin d’arrondir le territoire récemment réuni de la Louisiane, que Bonaparte avait vendue aux Etats-Unis en 1803. Ces pourparlers n’avaient pas alors abouti, mais Monroe avait pu se rendre compte de la médiocrité de Charles IV et de son entourage ; l’émancipation des colonies d’Amérique ne dut guère le surprendre ; dès 1812, il traçait sur une carte les limites qu’il souhaitait pour les Etats-Unis agrandis, jusqu’au Pacifique, jusqu’aux golfes de Californie et du Mexique. En 1820, arrivé à la présidence, il reprenait ses anciens projets sur la Floride et, cette fois, obtenait gain de cause, de la lassitude indifférente du roi Ferdinand VII. Puis, ému d’un oukase du Tsar, daté de 1821, qui attribuait à la Russie, sous le nom d’Alaska, tout le Nord-Ouest du continent américain à partir de 51 degrés de latitude, il négocia le traité de 1825, qui régla, plus libéralement pour l’Amérique, ce litige de frontière… Un programme rédigé par un tel homme ne conseillait donc certes pas seulement l’abstention.


Les Latins d’Amérique attribuent à la doctrine de Monroe le mérite d’avoir assidûment écarté l’Europe de leurs territoires ; ce ne fut pas un mince service, si l’on pense que ces vastes régions sont encore à peine peuplées, au début du XXe siècle, et que leur richesse, à peine soupçonnée, aurait pu tenter les Puissances dernières venues au partage des contrées neuves. En 1864-1866, l’Espagne eut l’idée de se rétablir au Pérou et l’on sait comment une des « grandes pensées du règne » de Napoléon III fut la création au Mexique d’un empire, européen et catholique, pour le malheureux archiduc Maximilien : l’attitude des Etats-Unis empêcha l’Espagne, puis la France, de s’obstiner dans leurs desseins. De même, si l’Argentine et, en