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de hautes et justes raisons, et ont obtenu la reconnaissance des États-Unis. »

Ces déclarations sont extrêmement nettes ; elles développent la formule abrégée par laquelle on les résume d’ordinaire : « L’Amérique aux Américains. » Elles ont été publiées dans des circonstances particulières dont il ne faut pas les séparer et dans des conditions qu’il importe aussi de retenir : elles sont inscrites dans un message aux Chambres et gardent un caractère unilatéral ; elles n’ont pas fait l’objet d’une discussion parlementaire, à plus forte raison n’ont pas été consacrées par un vote ; elles ne sauraient donc prendre rang d’office parmi les textes juridiques du droit public. Mais elles sont caractéristiques d’un état d’esprit que l’on doit, dès les débuts de l’histoire des États-Unis, apprécier comme national ; peu importe que l’inspiration du moment ait été anglaise ; les conceptions internationales qu’elles traduisent sont proprement yankees. Déjà Washington, lorsqu’il rentra dans la vie privée, adressait à ses concitoyens des conseils d’isolement américain, dans sa Farewelt address : « Gardez-vous de toute immixtion dans la politique européenne ; repoussez toutes propositions d’alliance ou d’accord avec les pays du vieux continent. » Un peu plus tard, les États-Unis s’étant maladroitement engagés dans une courte guerre avec l’Angleterre à propos du droit de visite en mer, le président Madison et le Congrès célébrèrent la paix, signée à Gand (1814), par des démonstration » en apparence disproportionnées, au lendemain de plusieurs échecs militaires : ils entendaient que leur pays vécût à l’écart de l’Europe.

Monroe continuait ce qui était une tradition de la politique des États-Unis ; sa doctrine se ramène à deux principes : l’Amérique n’a pas à s’inquiéter de ce qui se passe hors de son propre territoire ; elle doit interdire à quiconque de faire désormais, sur ce territoire, acte de colonisation. Mais la personnalité même du Président de 1823 ajoute à la valeur de ses déclarations un coefficient non négligeable : James Monroe était un vétéran de la guerre de l’Indépendance ; deux fois gouverneur de la Virginie, il était entré ensuite dans le ministère fédéral, aux Affaires étrangères, puis à la Guerre ; il avait été ambassadeur en France, d’abord pendant la période républicaine, puis sous Napoléon Ier ; il avait été chargé d’une mission