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L’ÉVOLUTION
DE
LA DOCTRINE DE MONROE

L’année 1823 marque, en Europe, l’apogée du système diplomatique de la Sainte-Alliance ; au lendemain du Congrès de Vérone, une expédition française en Espagne avait été décidée pour rétablir l’autorité absolue, menacée par une insurrection, du roi Ferdinand VII ; les troupes du Duc d’Angoulême, traversant la péninsule, entraient à Madrid le 24 mai et, le 31 août, s’emparaient du fort du Trocadéro, qui commande Cadix ; Ferdinand VII, échappant aux Cortès, rejoignit le Duc d’Angoulême, et les assemblées constitutionnelles étaient aussitôt dissoutes. Ainsi la Restauration, en Espagne, était un fait accompli ; Ferdinand VII eût voulu l’étendre jusqu’aux colonies d’Amérique, encore incomplètement émancipées ; les chefs militaires français auraient volontiers secondé ce désir, afin d’ouvrir un dérivatif au fanatisme surexcité des absolutistes intransigeans ; mais les soucis de la politique intérieure accaparèrent bientôt Ferdinand VII, et d’ailleurs des oppositions du dehors ne lui auraient pas permis de reprendre, au-delà de l’Atlantique, la guerre contre les créoles.

Succédant aux tories et à lord Castlereagh, qui s’était suicidé la veille du jour où il devait partir pour le Congrès de Vérone, Canning, ministre libéral des Affaires étrangères, se hâta de proclamer, au nom de l’Angleterre, le principe de non-intervention, directement antagoniste des théories de la Sainte-Alliance ; il visait ainsi l’Autriche, qui venait d’étouffer les