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chez les conservateurs espagnols. Loin de chercher des appuis au loin et d’intriguer contre nous, les chefs du parti conservateur ont, à diverses reprises, recommandé une entente avec la France sur des questions de politique extérieure, entente qui, si elle n’a pas remplacé le « pacte de famille » du temps où les deux pays étaient régis par la même maison royale, s’en rapproche un peu. Ce ne sont pas les conservateurs espagnols, très attachés à la maison de Bourbon, qui inventèrent la candidature Hohenzollern, l’un des motifs ou des prétextes de la guerre entre la France et l’Allemagne ; ce ne sont pas eux non plus qui, plus récemment, ont pris l’initiative de nouvelles orientations de la politique espagnole dans la Méditerranée, dont nous n’avions rien à espérer de bon. Quant au parti carliste, il fait grand bruit de ses sympathies allemandes. L’un de ses plus éloquens leaders, issu d’une famille militaire réputée, ne tarit pas d’éloges sur le militarisme allemand ; il y retrouve sans doute quelque chose de l’ancienne manière espagnole de Philippe II. La récente « furie allemande » de Louvain rappelle assez, en effet, la « furie espagnole » d’Anvers du 4 novembre 1576 : seulement, au massacre, à l’incendie et au pillage, la Kultur allemande a su joindre l’hypocrisie. Si le parti carliste, sans grande signification aujourd’hui, se proposait d’entrer en campagne, ou, comme ils disent, de « s’enfoncer dans le taillis » (echarse al monte), à la façon des carlistes d’autrefois, il faudrait lui conseiller charitablement de ne pas se mettre à des nos Basques et Navarrais de France, qui furent toujours ses plus utiles ravitailleurs. Il ne semble pas, au surplus, que son chef suprême actuel, l’infant don Jaime, montre beaucoup d’entrain à disputer le trône d’Espagne à son cousin don Alphonse. En tout cas, s’il s’y décidait, souhaitons-lui de ne pas rencontrer sur son chemin des Allemands tels que celui que fit fusiller son père, don Carlos, et dont il est parlé dans le Manifeste aux puissances chrétiennes du 6 août 1874 : « Un Allemand pris à l’entrée du village de Villatuerta, le revolver au poing, à la tête d’une bande incendiaire (déjà ! ), a été condamné par un conseil de guerre et passé par les armes. Ce que l’on a fait là est bien fait, je le maintiens, et, en pareilles circonstances, on agira de même… »

A part le groupe carliste, qui a pris cette attitude antifrançaise ou plutôt encore anti-anglaise dès l’ouverture des