Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/789

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

crédits qui se chiffrent par milliards ont beau être ouverts sans discussion aux gouvernemens : les besoins de la Défense nationale autorisent implicitement les dépassemens, qui sont d’ailleurs aussitôt ratifiés par l’autorité compétente. C’est ainsi que chez nous, en l’absence des Chambres, les ministères obtiennent du Conseil d’Etat toutes les autorisations de dépenses qu’ils croient nécessaire de demander.

Il est d’autant plus difficile de présenter aujourd’hui un compte séparé des dépenses de la guerre que celle-ci a éclaté au milieu de l’été, à l’époque où une partie de l’exercice budgétaire était déjà écoulée, à raison de sept mois pour les Puissances dont l’exercice financier cadre avec celui de l’almanach, de quatre mois pour celles qui, comme l’Angleterre et l’Allemagne, en ont fixé le point de départ au 1er avril. C’est donc plutôt du côté des ressources réalisées que nous trouverons matière à une étude qui, sans pouvoir prétendre à une précision qui ne s’obtiendra que bien longtemps après la fin de la guerre, se rapprochera du moins de la vérité : elle permettra d’utiles comparaisons entre les belligérans, tant au point de vue de l’importance des sommes réunies que des modalités auxquelles les divers Trésors ont eu recours pour se procurer des fonds. Cette recherche nous amènera à nous poser le problème de savoir si c’est à l’intérieur de ses frontières que chaque belligérant a trouvé l’argent dont il avait besoin, ou bien si, et dans quelle mesure, il a dû faire appel à des concours extérieurs.

Parmi les moyens auxquels on avait songé pour réunir les ressources nécessaires à la Triple-Entente, figurait l’émission d’emprunts portant la signature conjointe et solidaire des trois alliés. Dans son discours du 15 février 1915, M. Lloyd George a écarté cette solution, Il a déclaré que la France, l’Angleterre, la Russie procéderaient séparément. Toutefois, il a été décidé que des crédits pourraient être consentis réciproquement par certains des alliés, afin de faciliter aux autres les achats sur les marchés étrangers. C’est ainsi qu’un premier compte de 1 150 millions de francs a été ouvert à Paris et à Londres pour permettre aux Russes de payer des fournitures de guerre. D’autre part, il a été entendu que chacune des grandes nations alliées contribuerait à tout emprunt consenti aux petits États qui sont aujourd’hui ou qui pourraient se ranger à leurs côtés,