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d’autant plus rapide. Cette perspective explique le recours, pour couvrir les dépenses de guerre, à des opérations de crédit à court terme, puisqu’une rentrée extraordinaire peut être escomptée, grâce à laquelle, après la conclusion de la paix, s’amortiront des obligations émises au cours des hostilités.

En attendant, les dépenses se continuent sur une échelle qui dépasse tout ce qui s’est vu jusqu’à ce jour, au point qu’il est impossible de trouver dans l’histoire rien qui approche des sommes dont il s’agit actuellement. De même que, dans la seule bataille de Neuve-Chapelle, les Anglais ont lancé plus de projectiles que pendant trois années de lutte contre les Boers, de même une semaine de guerre coûte aujourd’hui plus qu’une campagne d’autrefois. Quel est donc le chiffre de ces dépenses, dont chaque pays semble accepter le fardeau sans se soucier du poids dont il pèsera sur l’avenir de ses destinées ? Pour les supputer exactement, il manque un élément essentiel : la connaissance de la durée du conflit. On ne peut, à ce point de vue, que raisonner par analogie, chercher à dégager par exemple le chiffre des débours mensuels et laisser aux lecteurs le soin de le multiplier par le nombre de mois qui, dans la pensée de chacun d’eux, nous séparé encore de la paix.

Cette méthode elle-même est insuffisante pour nous donner une vue complète du sujet. Les dépenses effectuées ou engagées par les divers gouvernemens ne constituent pas en effet la totalité du coût de la guerre. A côté d’elles doivent être considérées la destruction des propriétés mobilières et immobilières et l’anéantissement d’innombrables vies, sacrifiées chaque jour sur les champs de bataille. Ce capital humain, précieux entre tous, représente un des élémens les plus douloureux et les plus difficiles à traduire en chiffres de l’addition formidable des pertes subies par les belligérans. On peut y ajouter encore celles que cause l’arrêt partiel de la création artistique et industrielle, du commerce, en un mot d’une foule de branches de l’activité productive par laquelle les hommes, en temps ordinaire, assurent leur existence et contribuent au progrès général. Un statisticien anglais a essayé de dresser, pour six Puissances européennes, un tableau de ce qui aurait ainsi été dépensé ou détruit au bout d’un an de guerre, c’est-à-dire