Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 27.djvu/738

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

35 000 hommes et, après qu’elle aurait produit tous ses effets, nous pouvions compter au jour du danger sur un total de 340 000 combattans, non compris des volontaires en nombre variable. Mais les effectifs prévus n’auraient été obtenus qu’en 1925. L’an dernier, l’armée belge, au moment de l’entrée en campagne, a eu 226 000 hommes environ, plus 4 170 gendarmes et 4 500 officiers, à opposer au torrent d’invasion.

L’établissement du service général en Belgique n’a pas été vu de bon œil en Allemagne. Il aurait dû au contraire réjouir l’Empereur, qui s’était plaint en Suisse, pendant sa visite de l’automne précédent, de l’insuffisante protection, — due à la faiblesse de notre armée, — de sa frontière du Nord-Ouest, en comparaison du rempart que lui procuraient au Sud les troupes solides de la Confédération. Les journaux allemands accueillirent la nouvelle de notre réorganisation militaire sans l’entourer de commentaires malveillans, mais il n’en fut pas de même des cercles d’officiers. J’ai pu en juger par le langage que m’a tenu le baron de Zedlitz, colonel d’un régiment de dragons de la Garde et petit-fils, par sa mère, d’un ministre de Belgique à Berlin. Ses sympathies belges, héritage maternel, l’ont poussé sans doute à m’ouvrir son cœur : « A quoi bon augmenter le nombre de vos soldats ? me dit-il un jour. Avec votre petite armée, vous n’auriez pas songé à nous disputer le passage dans une guerre contre la France. Après la victoire, les parties de votre pays occupées par nos troupes vous auraient été rendues. L’accroissement de vos effectifs pourrait vous inspirer la prétention de nous tenir tête. Si un seul coup de fusil était tiré sur nous, Dieu sait ce qu’il adviendrait de la Belgique ! » C’était parler en ami, mais non en soldat. Je répondis au colonel qu’on nous respecterait encore moins, si nous avions la lâcheté de ne pas nous défendre, et que nous étions bien résolus à recevoir l’envahisseur, quel qu’il fût, à coups de canon. J’eus l’occasion de répéter plusieurs fois cette dernière phrase. On m’écoutait en souriant et on ne me croyait pas.


V

Le passage des belligérans à travers la Belgique était devenu le thème favori de toutes les plumes qui traitaient la question