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Heureusement les périls dont la Belgique était entourée n’ont pas échappé à l’observation vigilante de nos souverains. Léopold II n’a pas été seulement le génial créateur de l’Etat du Congo, le principal instigateur de l’épanouissement économique du peuple belge qui, toutes proportions gardées, est aussi remarquable que celui de la nation germanique ; il a été également un grand patriote. Son patriotisme n’a laissé échapper aucune occasion importante dans notre vie publique d’adjurer les Belges de faire le nécessaire pour l’augmentation en premier lieu de leurs moyens défensifs et ensuite de leurs forces militaires. Ses appels ont été heureusement entendus ; un progrès considérable a été réalisé le jour où le Cabinet Schollaert a fait voter la règle d’un fils par famille désigné pour le service, premier pas dans la voie de l’obligation militaire généralisée. Le vieux Roi était sur son lit de mort, quand le premier ministre lui présenta la loi à signer ; d’une main défaillante, il y traça son nom, puis il s’endormit du dernier sommeil, conscient d’avoir rempli son devoir envers son pays.

Son successeur s’est voué avec la même ardeur patriotique à l’accomplissement de la même tâche, qu’il s’était juré de mener jusqu’au bout. Il n’y a pas de thème où l’éloquence naturelle du roi Albert se soit exercée avec plus d’à-propos que celui de la nécessité de maintenir l’armée à la hauteur des responsabilités qui lui incomberaient un jour. Les événemens de 1911 et de 1912 montraient du reste aux plus aveugles combien notre nouveau souverain voyait juste ; ils ont chassé la chimère de la paix de bien des cerveaux politiques, obscurcis par la fumée d’illusions trop généreuses. La loi établissant le service général fut votée en mai 1913. M. de Broqueville, qui l’avait brillamment défendue devant les Chambres, eut l’insigne honneur d’écrire son nom au-dessous du nom royal sur une des pages les plus importantes de l’histoire intérieure de notre pays.

C’est donc un an avant l’invasion allemande que cette loi si nécessaire a réuni au Parlement belge, la majorité des votes. Si nous avions voulu, il y a quelques années, signer un pacte secret avec l’Angleterre et avec la France, ne pensez-vous pas que leurs gouvernemens y eussent inscrit, comme première condition, le renforcement de notre trop faible armée ? La nouvelle loi devait fournir un contingent annuel de 33 à