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Belges, comme sur leurs voisins, des charges militaires de plus en plus lourdes. Un système défensif, qui paraissait suffisant en 1870, ne l’était plus dix ans après, vu l’augmentation du nombre des combattans, de la puissance et de la portée de l’artillerie, tant en France qu’en Allemagne. A Anvers, forteresse et camp retranché, notre seule place de guerre, appelée par nous notre réduit national, il fallut ajouter les forts de Liège et de Namur, points d’arrêt, qui devaient barrer la vallée de la Meuse. Les spécialistes s’accordaient à l’indiquer comme la route naturelle d’une armée cherchant à pénétrer d’Allemagne en France et vice versa, sans se heurter aux défenses érigées des deux côtés des Vosges. Les forts à coupole d’acier de Liège et de Namur, œuvre de notre grand ingénieur militaire Brialmont, dont la réputation était européenne, ont été considérés pendant un certain temps comme le dernier mot de l’art de la fortification. Après des discussions approfondies qui durèrent deux ans, le Parlement belge décida, en 1906, de consacrer une somme de 63 millions à réédifier le système démodé de la défense d’Anvers ; quinze nouveaux forts furent construits sur les deux rives de l’Escaut, sans compter douze ouvrages avancés, et les dépenses ne s’arrêtèrent pas là.

L’armée belge est restée jusqu’en 1909 sur le pied de 100 000 hommes, recrutés par des engagemens volontaires et par la conscription où le remplacement était autorisé, mode suranné et peu démocratique. Ce chiffre était manifestement insuffisant pour l’entretien d’une armée de campagne et d’une armée de forteresse, deux élémens indispensables de notre défense. Mais le sentiment de la majorité de la population se maintenait hostile à l’introduction du service personnel, non par haine du métier des armes, — car le Belge a toujours été un brillant soldat, — mais par aversion pour la caserne et par crainte des promiscuités qu’elle risque d’entraîner. D’un autre côté, chez beaucoup de nos concitoyens, la confiance dans l’inviolabilité, dont les traités de 1839 avaient revêtu la Belgique, subsistait inébranlable, comme la foi dans un dogme. Leur attention d’industriels et de commerçans entreprenans n’embrassait que le champ restreint de leurs affaires. Les complications politiques, se succédant d’année en année depuis le début du siècle, ne parvenaient pas à ébranler leur robuste optimisme, qui jugeait les sacrifices militaires inutiles.