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La présence de la jeune princesse était un gage de plus de la chaude amitié que leur inspiraient le roi Albert et la reine Elisabeth. Guillaume II, dans son toast officiel comme dans ses entretiens particuliers, se montra touché à l’extrême de l’accueil qu’il recevait, plein de sympathie pour le peuple belge et pour ses succès dans le domaine de l’industrie et du commerce, qui venaient de s’affirmer avec éclat à l’Exposition internationale de Bruxelles. Bonhomie, amabilité, chaleur, toute sa lyre résonna, avec son rire guttural, aux oreilles charmées de ses auditeurs. Comment ceux-ci n’auraient-ils pas été convaincus de la bienveillance du puissant Empereur à leur endroit !

Visibles efforts pour attirer la Cour de Belgique et la société belge vers l’Allemagne, surprise causée par notre prospérité, telles sont les impressions que nous laissèrent le visage mobile et le sourire engageant de l’auguste visiteur. Bruxelles, déshabitué de recevoir des personnages royaux, s’était mis en frais en l’honneur de ces hôtes de marque. Quand l’Empereur eut contemplé du haut du balcon de l’Hôtel de Ville le spectacle incomparable de la grand’place, il dit à l’Impératrice : « Nous ne nous attendions à rien d’aussi beau ! » Revenant d’une promenade à Tervueren sur la magnifique chaussée construite par le feu Roi, il s’étonnait du nombre des villas qui bordent la route et supputait les revenus de leurs propriétaires. Il est imprudent de faire étalage de sa richesse devant un étranger, surtout si cet étranger est un monarque voisin, chef d’une armée de cinq millions d’hommes. La Belgique, que Guillaume II n’avait plus vue depuis trente-deux ans, a dû lui sembler un beau fleuron, digne d’être ajouté à sa couronne.

Le Livre gris publié par le gouvernement belge rend compte (n° 11) d’un message du chancelier transmis par le ministre d’Allemagne à notre département des Affaires étrangères, qui avait suggéré en 1911, au cours de la polémique soulevée par le projet du gouvernement néerlandais de fortifier Flessingue, l’idée d’une déclaration publique du gouvernement allemand relative à la neutralité de la Belgique. M. de Bethmann-Hollweg fit savoir que l’Allemagne n’avait pas l’intention de la violer, mais qu’une déclaration publique affaiblirait sa situation militaire vis-à-vis de la France, qui porterait, ainsi éclairée, toutes ses forces sur sa frontière de l’Est. Le chancelier se retranchait déjà en 1911 derrière le prétexte du plan de campagne qu’il