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compréhensible que M. de Jagow, lorsque je suis allé lui demander l’explication de l’attentat exécuté contre la Belgique, ne m’ait pas jeté au nez les fameux indices relatifs à nos méfaits, au lieu de reconnaître l’irréprochabilité de notre conduite ? Entré résolument dans la voie du mensonge, afin de repêcher du naufrage l’honneur de son pays, M. de Bethmann-Hollweg y a fait rapidement des progrès étonnans. A des journalistes américains, débarqués à Berlin à la recherche de la vérité sur les horreurs de cette guerre, il a eu le triste courage, de raconter que des jeunes filles belges, après les premiers combats, s’amusaient à crever les yeux des blessés allemands[1]. Avait-il vraiment conscience de l’infamie de cette accusation sans preuves ? Toute l’honnêteté privée du philosophe de Hohen-Finow ne le lavera pas de ses calomnies politiques.

Pas n’est besoin d’ajouter que le gouvernement britannique n’a jamais eu l’intention de violer la neutralité de la Belgique en y envoyant des troupes, aussi longtemps que cette neutralité aurait été respectée. Cela ressort clairement d’une dépêche, rendue publique aujourd’hui, qui fut écrite au mois d’avril 1913 par sir Ed. Grey au ministre d’Angleterre à Bruxelles, pour être communiquée au ministre des Affaires étrangères.


III

Depuis l’avènement du roi Albert jusqu’à la violation du territoire belge, l’attitude de l’Allemagne envers la Belgique a toujours semblé amicale. Toutefois, dans des déclarations qu’il fut amené à faire au sujet du respect de notre neutralité, le Gouvernement impérial s’attacha à endormir nos inquiétudes, quand elles s’éveillaient malgré nous, sans se compromettre par des assurances trop formelles.

L’Allemagne avait reconnu, une des premières, l’annexion du Congo à la Belgique. Quel meilleur témoignage, dira-t-on, pouvait-elle lui donner de sa bienveillance ? Reste à savoir si cet empressement n’a pas été un calcul très réfléchi. Le Congo, annexé à un État faible, était une proie plus facile à saisir un jour que s’il était venu doubler l’empire africain de la France, en vertu du droit de préemption, consenti par le roi Léopold à

  1. Communication faite par le chancelier le 6 septembre 1914 aux représentons des grandes agences américaines, United Press et Associated Press.