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Nous assurer indéfiniment les avantages de la paix, c’était nous imposer en même temps des devoirs égaux envers chacun des garans de notre neutralité, nous interdire par conséquent de nous laisser entraîner par des calculs personnels ou des intérêts politiques vers aucun d’eux en particulier. Les signataires belges des traités de 1839 n’avaient pas compris autrement les devoirs d’un État perpétuellement neutre et leur adhésion attestait que leurs successeurs s’y conformeraient toujours. Tous les Belges sont convaincus qu’aucun de leurs ministres depuis lors n’a failli aux engagemens qui portent la signature de ses loyaux prédécesseurs.

Il y a plus de vingt-cinq ans, le roi Léopold II, sur la production de documens fabriqués par deux faussaires, Mondion et Nieter, fut accusé avec persistance par des publicistes parisiens, non dépourvus d’autorité, d’avoir conclu une convention secrète avec l’Allemagne contre la France. Combien ces écrivains connaissaient mal notre Roi et ses véritables sentimens à l’égard de nos inquiétans voisins de l’Est ! Peu de chefs d’État avaient percé à jour mieux que lui leurs ambitions encore inavouées. Avec sa merveilleuse connaissance des hommes, il avait lu, comme dans un livre ouvert, dans le caractère changeant et dominateur de Guillaume II. Une des dernières recommandations qu’il me fit l’honneur de m’adresser fut de me défier, quand j’irais en Allemagne, des amabilités allemandes. Les imputations contre la parfaite loyauté du second roi des Belges s’éteignirent d’elles-mêmes, telles qu’un feu sans aliment, une fois qu’il eut recommencé ses visites, longtemps interrompues, à Paris, où l’on apprit à le mieux connaître.

Un traité secret d’alliance militaire était-il, en pratique, impossible à conclure par un souverain belge ? Nous avons appris, au début de cette guerre, qu’il en existait un entre le roi de Roumanie et l’empereur d’Autriche, dirigé contre la Russie et approuvé, chaque fois qu’il avait besoin d’être renouvelé, par le premier ministre roumain, libéral ou conservateur. Du temps que je représentans le gouvernement belge à Bucarest, l’existence de ce traité était niée ou affirmée avec une égale énergie par plusieurs de mes collègues. Le ministre de Russie, M. de Fonton, n’y voulait pas croire ; c’est le seul point sur lequel il ne s’accordait pas avec son ami et allié, M. Arsène Henry, le représentant de la France. Le traité n’en était pas moins très