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LA NEUTRALITÉ BELGE
ET
L’INVASION DE LA BELGIQUE


I

La violation de la neutralité de la Belgique a fait éclore déjà toute une floraison de livres, de brochures, d’articles de journaux et de revues. Les uns flétrissent avec indignation, les autres défendent avec impudence l’acte du gouvernement allemand. Les commentaires, publiés à cette occasion, des traités du 19 avril 1839 ont appris à beaucoup de Belges qui l’ignoraient la véritable signification de la neutralité permanente de leur pays. Elle n’était pas un bienfait du ciel concédé au nouvel État, qui s’était constitué lui-même après le soulèvement des provinces flamandes et wallonnes contre la maison d’Orange. En le reconnaissant comme royaume indépendant et en lui garantissant la jouissance d’une neutralité perpétuelle, les cinq Puissances qui faisaient alors la loi à l’Europe lui avaient donné un caractère spécial, comme s’il eût été une invention de leur diplomatie[1]. La neutralité de la Belgique devait bien la préserver des convoitises de ses voisins, mais elle était destinée aussi à servir les intérêts des grandes Puissances par la conservation de l’équilibre européen. Ainsi était réparée la brèche faite à l’œuvre du congrès de Vienne, lorsque, sous l’effort des Belges, s’était effondrée la création artificielle du royaume des Pays-Bas.

  1. Voyez le livre si documenté et si concluant de M. Waxweiler : La Belgique neutre et loyale ; Payot et Cie, Paris et Lausanne.