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pouvait plus accueillir ses offres, sans manquer à sa dignité, à son honneur, a même dit M. Salandra, — faisant peut-être allusion par-là aux engagemens qu’elle avait déjà pris ailleurs.

Mais, pour bien comprendre les négociations qui ont eu lieu entre l’Italie et l’Autriche, il faut se reporter au Livre vert. Nous regrettons de ne pouvoir lui consacrer qu’une analyse un peu sommaire : elle sera toutefois suffisante pour édifier et éclairer nos lecteurs. C’est seulement le 9 décembre 1914 que le duc d’Avarna, ambassadeur d’Italie à Vienne, a été chargé de notifier au comte Berchtold que la marche de l’armée autrichienne contre la Serbie était un acte qui devait être examiné par les deux gouvernemens, conformément à l’article 7 de l’alliance. Cet article imposait à l’Autriche l’obligation, dont nous avons déjà parlé plus haut, de se mettre d’accord avec l’Italie pour toute intervention en Serbie et, subsidiairement, pour les compensations qu’entraînerait toute occupation territoriale, munie temporaire. Il n’avait pas été tenu compte de la première obligation, et l’Italie ne pouvait plus guère y attacher qu’un intérêt rétrospectif, mais elle n’en insistait que plus fort sur la seconde, à savoir le principe des compensations. Son droit semblait incontestable : tel ne fut pourtant pas le sentiment du comte Berchtold. D’après lui, la guerre n’ayant pas eu de la part de l’Autriche un caractère agressif, il n’y avait pas lieu d’échanger des vues avec l’Italie. C’était un refus pur et simple d’entrer en négociations. Sur l’ordre de son gouvernement, le duc d’Avarna revint à la charge et enfin, le 20 décembre, le comte Berchtold se montra disposé à causer : il suivait en cela un conseil venu de Berlin. Le même jour, le prince de Bülow apparaît pour la première fois à Rome dans une conversation avec M. Sonnino, auquel il fait savoir que le but de sa mission est d’améliorer les bonnes relations entre l’Italie et l’Allemagne et sans doute aussi entre l’Autriche et l’Italie. Il reconnaît que celle-ci est parfaitement en droit de vouloir discuter la compensation qui lui sera consentie, lorsque l’Autriche aura obtenu quelques résultats déterminés. Attitude adroite de la part du prince de Bülow : il admet le principe des compensations, mais il en ajourne la réalisation. À ce moment, M. Sonnino paraît être un peu moins exigeant qu’il ne le sera plus tard : il avoue que le pays serait favorable à la neutralité, s’il pouvait obtenir satisfaction sur quelques-unes de ses aspirations nationales. Il ne dit pas encore sur toutes. Les deux interlocuteurs se séparent en bons termes. Mais le baron Macchio, ambassadeur d’Autriche à Rome, sur le point de partir pour Vienne et prenant congé