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quelques-uns de le reconnaître : l’efficacité de la torpille automobile que son véhicule soit un navire de surface ou un sous-marin, se révèle de plus en plus décisive. On sait assez quelle est celle de la mine automatique fixe, sans parler de la mine dérivante. Mais du moins celles-ci n’agissent-elles que contre qui vient les heurter, tandis que la torpille automobile est, essentiellement, un engin offensif et d’un emploi aussi sûr au large, par 3 000 mètres de fond, qu’à 200 mètres du rivage. Ce n’est pas tout que de constater sa puissance ; il faut avouer encore qu’en dehors des précautions d’ordre général, — souvent efficaces, elles aussi, heureusement ! — que l’on est conduit à prendre contre les petites unités qui l’emploient, il reste peu de moyens d’assurer le salut du bâtiment menacé, pas plus que celui de la plupart des membres de son équipage, si, par malheur, l’engin le frappe en pleine coque et non pas, comme il est arrivé à notre Jean-Bart, à l’extrême avant où, quelle que soit l’étendue de la brèche, l’invasion de l’eau reste relativement limitée. J’ai déjà eu l’occasion de dire ici quelle profonde transformation devait résulter, aussi bien dans le choix des types de bâtimens que dans les méthodes de construction navale, d’un état de choses dont la gravité frappe les yeux les moins attentifs. Mais cette transformation ne peut évidemment se produire que dans une période de paix et de tranquillité studieuse. En attendant, il faut se servir des navires que nous avons, nous efforcer de les défendre d’avance le mieux possible par des mesures tactiques réellement appropriées aux circonstances ; nous efforcer de les sauver ensuite, ou du moins de retarder leur engloutissement ; tâcher enfin, tâcher surtout, de préserver le plus grand nombre possible d’existences humaines si précieuses à tant de titres.

En ce qui touche les mesures tactiques, mes lecteurs tireront aisément quelques conclusions pratiques des réflexions que contient cette trop brève étude : marcher vite ; changer fréquemment de cap, changer aussi de parages de croisière ; éviter d’aller reconnaître de près des points saillans, des phares ; se garder expressément de déceler sa présence, la nuit, par des manifestations lumineuses, buelles qu’elles soient ; se garder même, autant que possible, d’émettre des radio-télégrammes ; se faire éclairer et flanquer par des torpilleurs, qui auront seuls la charge d’arraisonner les navires de commerce,