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assaillant passer au-dessous de la ligne des flanqueurs et prononcer son attaque pour ainsi dire « à bout portant. »

Quoi qu’il en soit, ni la Lusitania, ni le Léon-Gambetta, n’étaient flanqués. On s’en est étonné, indigné même. Interrogé par un membre des Communes, M. Winston Churchill a observé que, pour puissante que fût la marine britannique, elle ne pouvait cependant convoyer individuellement tous les paquebots qui voulaient traverser l’Atlantique. Il est assez curieux, tout d’abord, de remarquer que cette réponse rouvre une discussion qui s’est produite en Angleterre toutes les fois que ce pays s’est trouvé en lutte avec une marine capable, sinon de combattre ses flottes de ligne, du moins de faire une chasse active à ses navires marchands. Ce fut, en général, par la constitution de grands convois, escortés de navires de guerre, que la question fut résolue. Je ne m’attarderai pas à montrer que cette solution serait, ici, une des plus mauvaises que l’on pût adopter. En tout cas, d’escorte particulière pour une seule unité, si intéressante qu’elle puisse être, et d’une escorte qui traverserait l’Atlantique, il n’y faut point songer.

Etait-il impossible, en revanche, d’envoyer au large du cap Clear, au-devant de la Lusitania, un groupe de torpilleurs empruntés aux flottilles de Queenstown et de Pembroke ? Si cette mesure avait pu être prise et que ces petits bâtimens eussent encadré le paquebot pendant qu’il longeait la côte méridionale de l’Irlande, — l’état de la mer leur permettait de se tenir à sa hauteur, — il est probable que la catastrophe ne se fût point produite. Ajoutons qu’au moins elle n’eût pas fait un aussi grand nombre de victimes. Mais savons-nous si les flottilles dont il s’agit n’étaient pas à la mer, si même elles n’ont pas été depuis longtemps poussées vers l’Est ?…

La Grande-Bretagne a, certes, un nombre considérable de bâtimens légers ; seulement, les opérations actives de la mer du Nord, du Channel et de la Méditerranée, les absorbent tous. Il a même fallu recourir à des navires auxiliaires, que commandent des officiers de réserve. Un groupe de ces petits bâtimens fut, il y a quelques jours, attaqué dans le vestibule hollandais de la Manche par des torpilleurs allemands, et perdit une de ses unités. Mais une escadrille « de patrouille » survint, qui détruisit les deux assaillans.

Si les exigences si variées de la guerre maritime moderne