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qu’il convient de rassembler pour les mieux mettre en lumière. C’est ainsi que, dans le cas du croiseur cuirassé français comme dans celui du transatlantique anglais, on a incriminé l’insuffisance de la vitesse des bâtimens torpillés et le défaut de flanqueurs ou convoyeurs. Examinons de près ces griefs.

Supposons, — il n’y a encore rien d’officiel là-dessus, et j’insiste sur ce point, — que l’allure du Léon-Gambetta ait été, comme on l’affirme, réglée à 7 nœuds dans la nuit du 26 au 27 avril. Quel pouvait être le motif de cette sensible réduction d’une vitesse de route qui devait atteindre normalement 13 ou 14 nœuds ? Nous ne le savons pas et nous ne pourrons jamais le savoir, puisque tout le personnel dirigeant a disparu, ainsi que les cahiers d’ordres et les journaux de bord. Il ne reste qu’à émettre des hypothèses.

La première et la plus simple qui se présente à l’esprit c’est que, se rendant à Malte en fin de période de croisière, le Léon-Gambetta, sans positivement « racler ses soutes, » ne disposait plus que d’un approvisionnement assez faible de combustible. Il faut noter à ce sujet que la prudence exige, en temps de guerre, que l’on se crée une réserve de charbon que l’on n’utilisera que si, aux atterrages du port base d’opérations, on se trouvait intercepté par une force navale supérieure. La nécessité de se dérober à grande allure, dans ce cas, peut conduire à donner à cette réserve une valeur assez considérable, ce qui diminue d’une manière marquée l’ « endurance » du bâtiment, c’est-à-dire sa faculté de tenir la mer sans se ravitailler. Si l’on ajoute à cela que le nombre de nos croiseurs est notoirement insuffisant, on comprendra sans peine qu’il faut, ou que la période de croisière de chacun d’eux soit longue, ce qui ne se peut obtenir que par une sévère économie du combustible entraînant la réduction de la vitesse de route, ou que, si le commandant en chef, sensible comme il convient à ce dernier désavantage, accourcit la période de croisière, il se résolve à diminuer aussi la période de repos dans le port base d’opérations. Or on sait combien sont délicats les appareils moteurs et les appareils auxiliaires des bâtimens modernes et que les chaudières, notamment, exigent des nettoyages fréquens et minutieux. Si l’on ne peut satisfaire complètement, en relâche, à ces nécessités du bon fonctionnement des machines, on en est réduit à n’utiliser simultanément, en croisière, qu’un nombre restreint