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Cette guerre, absorbant toutes les pensées et toutes les forces des grandes Puissances, laissait, en Extrême-Orient, le champ libre au Japon. Jamais occasion si belle ne s’était présentée aux hommes d’Etat qui dirigent la politique de l’Empire d’augmenter d’une façon éclatante le prestige du nom japonais et la puissance extérieure du pays. L’Allemagne étant en guerre avec l’Angleterre, la France et la Russie, sa colonie de Kiaotchéou, aménagée à grands frais et placée comme une puissante emprise dans le flanc même de la Chine, devenait une riche proie. Un effort, relativement peu important, permettrait de s’en saisir, et ainsi de s’implanter dans une des provinces les mieux situées en raison de sa proximité de la capitale, et surtout de sa position maritime. Kiaotchéou et sa baie, Tsingtao, la ville et ses forts, tombant au pouvoir du Japon, déjà possesseur de Port-Arthur, à l’autre entrée du Pétchili, représentaient une conquête de premier ordre, aux divers points de vue stratégique, politique et économique.

Aussi, le 19 août, le chargé d’affaires japonais à Berlin présentait-il au ministère des Affaires étrangères allemand une note dans laquelle le gouvernement du Mikado, témoignant, selon l’usage, « du besoin d’assurer une paix solide et durable en Extrême-Orient, » qui avait été le but de l’alliance anglo-japonaise, disait : Le Gouvernement japonais « considère donc comme un devoir de conscience de donner au Gouvernement impérial allemand le conseil d’exécuter les deux propositions suivantes :

« 1° Retirer sans retard des eaux japonaises et chinoises les vaisseaux de guerre allemands et bâtimens armés de toute espèce, et de désarmer immédiatement ceux qui ne peuvent être retirés.

« 2° Livrer, jusqu’au 15 septembre 1914 au plus tard, sans condition et sans indemnité, aux autorités impériales japonaises, l’ensemble du territoire affermé de Kiaotchéou, en vue d’une restitution éventuelle de ce territoire à la Chine. »

Le dernier délai pour la réponse à cet ultimatum était fixé au 23. C’était la guerre, l’Allemagne, malgré sa faiblesse relative en Extrême-Orient par rapport au Japon, ne pouvant accepter une telle sommation. Déjà, dès la dernière quinzaine