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exprimaient par des paroles et par des actes non équivoques toute leur sympathie agissante pour les républicains parlementaires. Les sentimens du peuple étaient tels qu’un diplomate distingué, M. Abé, fut assassiné par un fanatique comme compromettant par son attitude les intérêts nationaux en aidant le consortium. Lorsque la lutte entre Yuen Chekai et ses adversaires prit la forme aiguë, et particulièrement pendant la révolte de 1913 contre les actes arbitraires du président, les Chinois prétendirent que des officiers japonais déguisés aidaient de leurs conseils les constitutionnalistes combattans. Lors des massacres de Nankin, des navires pleins de troupes entrèrent dans le Fleuve Bleu ; des Japonais ayant été molestés^et même tués, on crut un moment à une intervention militaire en faveur des hommes nouveaux. Le gouvernement du Mikado n’alla pas jusque-là. Il ne voulut pas contrarier les Puissances, qui considéraient toute intervention en l’espèce comme une atteinte au principe de l’intégrité de la Chine. Les chefs des constitutionnalistes pourchassés s’enfuirent au Japon. Le fameux docteur Sun Yatsen, qui fut le premier président de la République chinoise, le général Hoanghing, le combattant de la Révolution, leurs lieutennas et beaucoup d’autres, échappèrent à la mort en se réfugiant dans les îles du Nippon. Là, ils trouvèrent même la protection d’officiers japonais montant la garde auprès d’eux.

L’attitude du gouvernement japonais était fort habile, et elle prouvait la parfaite connaissance qu’il avait de la situation réelle et de l’avenir politique de la Chine, dont il ménageait les hommes. Devant l’attitude des Puissances, il se voyait obligé de servir les intérêts de Yuen Chekai, de contribuer, au moins politiquement, à assurer son élévation, à fournir des subsides à ses troupes, et, d’autre part, soutenant ses adversaires, les accueillant, protégeant leur vie, il s’assurait le concours éventuel des dirigeans futurs de ce peuple immense, qui les avaient choisis par des élections régulières. Dans tous les cas, ces chefs des constitutionnalistes, redevenus conspirateurs et propagandistes au dehors, étaient conservés comme une menace permanente contre le Président de la République chinoise. Cette situation d’attente devait changer avec la formidable guerre qui éclata en Europe, en août 1914.